Louis-Marie
Grignion de Montfort…

 

 

Louis a douze ans. C'est le moment des études sérieuses. Il entre en sixième au collège de Rennes et prend pension chez un de ses oncles, vicaire à la paroisse Saint-Sauveur. Ce collège était très important ; il comportait environ 3 000 élèves.
Aussitôt Louis se classe en tête car, c'est un travailleur acharné. Enfant déjà, il avait pris l'habitude de la lutte contre tout ce qui peut entraver son désir de perfection. Cette lutte, il la mènera toute sa vie avec une énergie indomptable.
Les étudiants de cette immense école sont bien divers ; il y a de tout… et peut-être plus de mauvais que de bon. Si l'on veut s'efforcer de devenir pur et fort, il faut du courage. Louis n'en manque pas. Surtout, il a une confiance sans borne envers « sa bonne mère », et celle-ci lui inspire intérieurement toute sa conduite.
Louis voit, un jour, un camarade pauvre, en guenilles, malmené et moqué par une bande de mauvais garçons. Sans souci des railleries, il se déclare son ami.
Puis une idée lui vient : tous ces élèves riches qui se moquent du pauvre : qu'ils l'aident plutôt ! Et Louis leur montre l'exemple. Louis-Marie organise une collecte et avec ce qu'il récolte, le voilà chez le tailleur :
– « Voici mon frère et le vôtre » dit-il au marchand ; « j'ai quêté dans la classe ce que j'ai pu pour le vêtir ; si cela n'est pas suffisant, c'est à vous d'ajouter le reste ! » Bien sûr que ce n'est pas suffisant ; mais le drapier, subjugué, accepte la pauvre somme contre un habit pour l'élève déguenillé.

Pendant cinq ans, Louis poursuit ses études en habitant chez son oncle. En 1690, toute la famille Grignion vient s'installer à Rennes pour que les autres enfants puissent aussi être instruits. Louis devient le répétiteur de ses frères plus jeunes.
Et l'époque des vacances ramène la joyeuse bande au « Bois Marquer » où l'on a de si bons souvenirs, et où l'on peut s'ébattre en toute liberté. Louis y retrouve avec joie, ses coins de solitudes pour l'étude et la prière.

Il y retrouve aussi, devenu grand, les voisins qu'il groupait autour de lui étant enfant, pour leur faire le catéchisme et réciter avec eux, le chapelet.
Lui-même est un jeune homme maintenant. Son sérieux et sa piété augmentent chaque jour. A sa confirmation, il a voulu ajouter à son nom, celui de Marie. Plus tard, comme saint Louis qui aimait se dire « Louis de Poissy » en souvenir du lieu de son baptême, Louis Grignion se dira volontiers « de Montfort ». C'est le nom qui lui restera pour la postérité.

Au collège de Rennes, il se fit de vrais amis qui lui resteront très a attachés. Jean-Baptiste Blain le suivra bientôt à saint Sulpice. Plus tard, il écrira la vie de Louis-Marie (ainsi d'ailleurs que celle de saint Jean-Baptiste de La Salle). Claude Poullard des Places, fondera la congrégation des « Pères du Saint-Esprit ».
En attendant, au milieu de leurs camarades, ils forment un sympathique trio et s'entraînent mutuellement. Ensemble, ils prient, ensemble, ils visitent les malades.

Car il existe déjà, parmi les étudiants, des petits groupes qui consacrent volontiers, une partie de leurs loisirs à la charité. Que ce soit à l'hôpital Saint-Yves ou dans leurs misérables demeures, les malades aiment voir arriver ces grands jeunes gens pleins de vie qui leur apportent avec de petites douceurs, le meilleur de leur cœur. C'est pour eux un rayon de soleil qui les réchauffe. Et toujours Louis-Marie leur lit et commente l'Evangile, leur parle de la sainte Vierge et prie pour eux.

Madame Grignion, en visite à l'hôpital, y reconnaît, un jour, une pauvre femme.
– « Qui donc vous a placée là ? » lui demande-t-elle.
– « C'est votre fils, Madame, qui a permis mon entrée ici, et qui m'a fait apporter dans une chaise. »
Comment le cœur de la maman ne serait-il pas heureux de constater ainsi la charité de son grand fils ?

Il y a, dans l'église Saint-Sauveur, une statue appelée Notre-Dame des Miracles. On dit que pendant la guerre de 100 ans, alors que la ville était assiégée, les cloches, soudain, se mirent en branle à minuit. Stupéfaits, les habitants accourent ; la statue s'illumine, lève les mains, désigne un endroit. On creuse, et l'on découvre une mine placée par l'assiégeant. Forts de ce miracle, les assiégés attaquent et délivrent leur ville.
Louis-Marie, qui passe chaque jour devant Saint-Sauveur, ne manque jamais d'entrer pour saluer, à la fois, le Seigneur, et Notre-Dame des miracles.

Mais plus le temps s'écoule, plus il désire se consacrer à Dieu en étant prêtre.
Peut-être Monsieur Grignion avait-il souhaité que son fils lui succédât ? Toujours est-il que Louis-Marie subit quelquefois de violentes scènes où son père se montre très dur. L'étudiant, après avoir pris sur lui, de toutes ses forces, pour ne pas répondre à ce père trop coléreux, se réfugie dans une prière plus fervente et aussi dans la pénitence volontaire.

Louis-Marie triompha de son père par la douceur : il sera prêtre. Et comme une bonne personne, amis de la famille lui fait espérer une bourse pour le séminaire Saint-Sulpice à Paris, la décision est aussitôt prise : il ira à Paris.
Il a 20 ans. Sa mère lui remet un baluchon contenant un habit de rechange et un peu de linge ; elle lui glisse dans la main, 10 écus ; et Louis-Marie prend la route sans savoir qu'il inaugure ainsi une série de voyages -tout à pied, bien sûr- qui ne s'achèvera qu'à sa mort.

C'est dur quand même de quitter les siens pour des années, et Louis-Marie ressent un pincement au cœur. C'en est fait de la vie familiale… Réagissant contre l'émotion qui l'étreint, il serre fort son chapelet et se met à chanter.
Au premier carrefour, il rencontre un malheureux en guenilles. Il lui donne son habit de rechange et son linge. Allégé, il continue d'un pas plus alerte. Mais voici un second pauvre… Il ne peut le laisser passer sans lui faire la charité.

Aussitôt il lui tend les 10 écus, et la joie grandit en lui. Encore quelques kilomètres et c'est une troisième rencontre… cette fois, il n'a plus rien. Mais si, son propre vêtement, en bon état, qu'il échange contre les guenilles du clochard.
Ayant vraiment tout donné, il est rempli d'allégresse. Tombant à genoux, il fait le vœu de ne jamais rien posséder. Il peut suivre Jésus ayant, comme dit l'évangile, « tout quitté ».

Et il le suivra maintenant jusqu'à la mort, la main dans la main de la très sainte Vierge Marie.
Mais Paris est loin et Louis-Marie a faim. Pauvre parmi les pauvres, il mendie son pain. Et le soir, il s'étend dans un coin de grange ou sous un auvent au hasard du chemin.
Ainsi, jour après jour, il avance, chantant et disant le chapelet tout à tour. Ses pieds sont bientôt enflés, meurtris. Mais il chante toujours.
 
 
Louis-Marie
 
Grignion de Montfort…