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Un peu
plus d'un siècle après Isaïe, vers 650
av. Jésus-Christ, Jérémie naissait
d'une famille sacerdotale installée aux environs
de Jérusalem. Mieux que pour aucun autre prophète,
sa vie et son caractère nous sont connus par les
récits biographiques à la troisième
personne qui parsèment son livre
les «
Confessions de Jérémie » proviennent
du prophète lui-même. Elles ne constituent
pas une autobiographie, mais elles sont un témoignage
émouvant des crises intérieures qu'il a traversées
et qui sont décrites dans le style des Psaumes de
lamentation. Appelé tout jeune par Dieu -en 626-
la treizième année de Josias, il a vécu
la période tragique ou se prépara et s'accomplit
la ruine du royaume de Juda. La réforme religieuse
et la restauration nationale de Josias éveillèrent
des espoirs qui furent anéantis par la mort du roi
à Megiddo en 609 et par le bouleversement du monde
oriental, la chute de Ninive en 612 et l'expansion de l'empire
chaldéen. Dès 605, Nabuchodonosor a imposé
sa domination à la Palestine, puis Juda s'est révolté
à l'instigation de l'Egypte qui intriguera jusqu'à
la fin, et en 597, Nabuchodonosor conquiert Jésuralem
et déporte une partie de ses habitants. Une nouvelle
révolte ramène les armées chaldéennes,
et en 587, Jérusalem est prise, le Temple est incendié,
une seconde déportation a lieu. Jérémie
a traversé cette dramatique histoire, prêchant,
menaçant, prédisant la ruine, avertissant
en vain les rois incapables qui se succèdent sur
le trône de David ; il est accusé de défaitisme
par les militaires, persécuté, puis incarcéré
Après la prise de Jérusalem, et bien qu'il
vît dans les exilés, l'espoir de l'avenir,
Jérémie choisit de rester en Palestine auprès
de Godolias, nommé gouverneur par les Chaldéens.
Mais celui-ci fut assassiné et un groupe de Juifs,
craignant des représailles, s'enfuit en Egypte, entraînant
Jérémie avec eux. C'est probablement là
qu'il mourut.
Le
drame de la vie de Jérémie n'est pas seulement
dans les événements auxquels il fut mêlé,
il est aussi dans le prophète lui-même. Il
avait une âme tendre, faite pour aimer, et il a été
« envoyé pour arracher et renverser, pour exterminer
et démolir », il a eu à prédire
surtout le malheur. Il était désireux de paix
et il a eu toujours à lutter, contre les siens, contre
les rois, les prêtres, les faux prophètes,
contre tout le peuple car « homme de querelle et de
discorde pour tout le pays. » Il a été
déchiré par la mission à laquelle il
ne pouvait pas se soustraire. Ses dialogues intérieurs
avec Dieu sont semés de cris de douleur : «
Pourquoi ma souffrance est-elle continue ? », et le
passage poignant qui annonce Job : « Maudit soit le
jour où je suis né
» et la suite.
Mais cette souffrance a épuré son âme
et l'a ouverte au commerce divin. Ce qui nous rend Jérémie
si cher et si proche, c'est la religion intérieure
et cordiale qu'il a pratiquée avant de la formuler
dans l'annonce de la Nouvelle Alliance. Cette religion personnelle
l'a conduit à un approfondissement de l'enseignement
traditionnel : Dieu scrute les reins et les curs,
il rend à chacun selon ses actes ; l'amitié
avec Dieu est rompue par le péché qui sort
du cur mauvais. Ce côté affectif l'apparente
à Osée dont il a subi l'influence ; cette
intériorisation de la Loi, ce rôle du cur
dans les rapports avec Dieu, ce souci de la personne individuelle
le rapprochent du Deutéronome. Jérémie
a certainement vu avec faveur la réforme de Josias
qui s'inspirait de ce livre, mais il a été
cruellement déçu par son inefficacité
pour changer la vie morale et religieuse du peuple.
La
mission de Jérémie a échoué
de son vivant, mais sa figure n'a cessé de grandir
après sa mort. Par sa doctrine d'une Alliance Nouvelle,
fondée sur la religion du cur, il a été
le père du Judaïsme dans sa ligne la plus pure,
et l'on relève son influence dans Ezéchiel,
la seconde partie d'Isaïe
L'époque maccabéenne
le compte parmi les protecteurs du peuple. Cette influence
durable suppose que les enseignements de Jérémie
ont été souvent lus, médités
et commentés. Cette action de toute une lignée
spirituelle se reflète dans la composition de son
livre
En
mettant les valeurs spirituelles au premier plan, en dévoilant
les rapports intimes que l'âme doit avoir avec Dieu,
il a préparé la Nouvelle Alliance chrétienne,
et sa vie d'abnégation et de souffrance au service
de Dieu fait de Jérémie une figure du Christ.
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