Chapitre III…



 


Hitler, médium de satan…

 

  Trebitsch-Lincoln…

   
   


En septembre 1919, il adhère, en temps que septième membre, au minuscule D.A.P. (Deutsch Arbeiter Partei : parti ouvrier allemand).
C'est à Munich qu'il va rencontrer, successivement ou simultanément, tous les hommes qui vont compter dans sa vie.
Le plus stupéfiant d'entre eux est Trebitsch-Lincoln, tour à tour acteur hongrois, pasteur luthérien, révérend anglican, membre de la chambre des Communes, puis espion au service des Anglais et des Russes. Maintenant converti au bouddhisme, il se promène en robe jaune de bonze. Cet aventurier de haut vol persuade le naïf Adolf que les Mahatmas lui accorderont des possibilités surhumaines, s'il consent à recevoir, par son intermédiaire, leur enseignement. Il fourre dans cette tête fragile tout un fatras de données occultes d'origine tibétaine qui, dit-il, doivent le conduire à la domination universelle.






Le militant du D.A.P. ne peut ignorer que Trebitsch est juif, mais il a besoin de lui, de ses relations et de l'argent de ses coreligionnaires. Il le reconnaît sans vergogne.

« Au début de notre mouvement, un certain nombre de juifs m'ont soutenu financièrement. Je n'avais qu'à lever le petit doigt, ils se seraient tous précipités vers ma porte. Ils reconnaissaient déjà de quel côté étaient la force et le succès.







 

 

 

  Ludendorff et Goering…

   
   


En ces années 1919-1923, tandis que Sorge recherchait des contacts avec les milieux d'extrême gauche, Hitler fréquentait les milieux d'extrême droite et faisait la connaissance de militaires de haut grade qui appartenaient tous à des sociétés secrètes. Le plus illustre était l'ancien adjoint du maréchal von Hindenburg, le général Ludendorff.






Le capitaine Hermann Goering, titulaire de l'Ordre «Pour le Mérite», la plus haute décoration militaire allemande, as de l'aviation, était le dernier commandant de la célèbre escadrille Richthofen, à l'époque il avait vingt-six ans.






C'est dans le château d'Eric von Rosen que le capitaine Goering fut initié aux mystères de la Golden Dawn : l'Edelweiss. Cette puissante société, dont l'emblème était la croix gammée, se proposait de reconstituer le patrimoine culturel des anciens Vikings, et gravitait autour des mêmes thèmes que la Société de Thulé : Hyperborée, règne de mille ans, avènement d'un Messie nordique et autres balivernes.
Le capitaine laissa le caporal Hitler pantois d'admiration : « C'est là, dit-il, l'Aryen idéal : il a des traits réguliers, le teint clair et les yeux bleus. » Et Goering, de son côté : « Les convictions exprimées par Hitler étaient mot pour mot ce que je ressentais au plus profond de mon âme. »






De la Société Edelweiss, Goering passait tout naturellement à la Société de Thulé. Il n'était pas très porté sur l'occultisme, mais après les blessures reçues lors du putsch des 8 et 9 novembre 1923, on lui donna de la morphine pour calmer ses douleurs. Dès lors, il prit goût à la drogue et son déséquilibre mental s'accommoda très bien des théories aberrantes professées tant par Edelweiss à Stockholm que par Thulé à Munich.







 

 

 

  Rosenberg…

   
   


Le Germano-Balte Alfred Rosenberg, futur codificateur de cette religion… Rosenberg, au nom bien juif pour le promoteur de l'idéal nordico-aryen avait fait ses études à Reval, sa ville natale puis à Moscou. Arrivé à Munich, il se précipita vers la Société de Thulé dont il devint l'un des maîtres à penser avec Eckart.
« Tout est parti de Thulé, déclara-t-il plus tard. L'enseignement secret que nous avons pu y puiser nous a beaucoup plus servi à gagner le pouvoir que les divisions de S.A. et de S.S. Les hommes qui avaient fondé cette association étaient de véritables magiciens. »






Sang et honneur : « Blut und Ehre », telle était la devise gravée sur le poignard offert aux jeunes hitlériens à l'occasion de leur dixième anniversaire. Sang et sol : « Blut und Boden », tel était le thème sur lequel s'articulaient tant de discours du Führer entransé : « Le prix du sang est le prix de la vie. J'en ai eu la révélation, la nuit, entre deux frissons. »







 

 

 

 

  Himmler…

   
   


Le mot « blut » entrait en composé dans les mots clés du national socialisme. Du « blutzeugen » (témoins du sang) versé lors du putsch de novembre 1923 au drapeau de ces héros : la « blufahne » conservé à la Maison Brune et exhibé deux fois par an le 9 novembre, le jour annuel du Parti.






« Pour vous qui viendrez après nous ces paroles ont été gravées : Tout ce qui est favorable au bonheur doit être couvert de sang. »






Himmler, haranguait à Metz ses S.S. en ces termes :
« Pour moi, le but final depuis onze ans, à partir du moment où je suis devenu Reichsführer S.S., est toujours resté le même : construire un « Ordre du Sang pur » pour servir l'Allemagne. […] Baignez-vous, oui ! baignez-vous toujours dans le sang des impurs ! Vous vous purifiez et vous garantissez le rétablissement de l'équilibre racial indispensable à celui du monde. Ainsi, vous continuez la marche des chevaliers. »







 

 

 

  Haushofer et Gurdjieff…

   
   


[…]

Haushofer et Gurdjieff avaient tout pour s'entendre. Le premier avait fait partie de la Loge lumineuse ou Société du Vril, secte farouchement antichrétienne.

« Au Vril, dit Robert Ambelain, on pratiquait des doctrines tantriques héritées des Bonnets noirs tibétains, opposées aux Bonnets jaunes du bouddhisme traditionnel qui se refuse à verser le sang. » Les Bonnets noirs qui recourent aux sacrifices de coqs, de faisans ou même de singes, et qui ornent leurs chapeaux de minuscules têtes de morts en bois, relèvent directement de la sorcellerie. Les relations de Haushofer et de ces chamans tibétains furent constantes puisqu'il favorisa en 1925 l'installation, à Munich et surtout à Berlin d'une petite colonie tibétaine et, en 1929, l'érection de leurs temples dans ces mêmes villes.
Gurdjieff avait longuement voyagé en Orient et en Extrême-Orient. Né en 1877 à Alexandropol, le mage russe avait été le condisciple de Staline au lycée grec de cette ville qui deviendrait Leninakan. Mais il s'intéressait moins aux matières enseignées qu'au yoga, à l'hypnose, à la littérature de l'Inde et à la théosophie qui était alors en plein essor. Il disparut pendant vingt ans et sa vie cachée se déroula au Tibet, où il aurait eu accès à de mystérieuses bibliothèques et au Centre des Frères de la Vérité.






Haushofer était au courant, il croyait en ces cités mystiques, mais pour lui le roi du Monde se nommait Wotan ou Lucifer.
Gurdjieff prétendait aussi avoir porté la robe de lama, ce que niait catégoriquement la lucide Alexandra David-Neel, spécialiste du Tibet, qui voyait plutôt en lui un agent des services secrets tsaristes. D'autres ont prétendu que le mage espion travaillait contre l'Angleterre pour le compte du treizième dalaï-lama qui l'aurait, en remerciant, revêtu de cette dignité.
On ne connaîtra jamais l'exacte vérité.







 

 

 

  Thulé, Société secrète…

   
   


La « Thulegesellschaft » fondée par l'astrologue Sebottendorf, avait choisi pour emblème la croix gammée parce qu'on la rencontre, non seulement en Europe nordique, mais aussi en Chine, au Tibet, terre des grands pouvoirs.
En symbolique universelle, le svastika orienté vers la gauche signifie naissance et bonheur ; vers la droite, il annonce le déclin, la malédiction, la mort. [note de l'auteur : il faut être fort vigilant quant au choix d'un symbole ou d'une date. Les Français ont-ils été bien prudents de retenir le 14 juillet 1789 qui vit à la fois la violation de la parole donnée et les premières atrocités… ils auraient été peut-être mieux inspirés en choisissant, comme fête nationle, le 21 septembre 1790 qui consacra l'adoption du drapeau bleu-blanc-rouge, trois couleurs bénéfiques.]
Le svastika de Thulé, dont les branches étaient courbes, s'orientait vers la droite, tout comme celui des nazis dont les branches reproduisaient des angles droits. Ont-ils fait exprès de s'approprier ce signe d'échec ? En réalité, c'est Haushofer qui choisit le svastika inversé pour symboliser l'avènement d'une nouvelle ère de l'humanité, pour montrer que le monde désormais devait tourner en sens inverse.






Cette association d'intellectuels fumeux voulait s'adjoindre un homme public avec des talents d'orateur et de médium.
« Il faut à notre tête un gaillard capable de résister au bruit d'une mitrailleuse. La canaille a besoin de sentir la peur jusque dans ses fonds de culotte. Nous ne pouvons pas employer un officier, car les gens ne les respectent plus. Le mieux serait un ouvrier qui sache parler. Il n'est pas nécessaire qu'il soit intelligent, puisque la politique est la chose la plus stupide du monde. Par comparaison avec ce que vocifèrent les bavards de Weimar, les ménagères qui font leur marché à Munich en savent plus long qu'eux. Bref, il nous faudrait un singe vaniteux qui sache répondre aux Rouges et qui ne se sauve pas comme un lapin pour se cacher sous la table. Ah ! j'oubliais une chose importante, il faut qu'il soit célibataire, alors nous aurons les femmes avec nous. »
Celui qui tenait ces propos réalistes était Dietrich Eckart, journaliste brillant, dramaturge médiocre, alcoolique et morphinomane.
Un singe vaniteux, un Lucifer beau parleur, plein d'aplomb, et de présence magnétique, populaire dans tous les sens du terme, célibataire et pas très intelligent, les membres de Thulé comprirent qu'ils tenaient en cet Autrichien le tribun idéal. Il avait des yeux de médium, son regard tantôt fixe, tantôt fuyant, avait une extraordinaire fascination. »






Les messieurs de Thulé évoquaient régulièrement les esprits ; étant donné la qualité des participants, c'était presque toujours des spectres du monde inférieur qui se manifestaient. La médium, une paysanne illettrée qu'ils faisaient mettre nue.
Lorsqu'elle était en transe, il émanait de son vagin des ectoplasmes qui formaient des visages, et les voix qui parlaient par sa bouche s'exprimaient tantôt en pur allemand, tantôt en langues étrangères.
Avant l'entrée de Hitler dans le groupe, sa venue fut annoncée par le prince von Thurn und Taxis que les communistes avaient assassiné quelques mois auparavant.
Le fantôme du prince se manifesta pour prophétiser que l'homme qui allait venir serait le possesseur de la Sainte Lance, relique conservée à Vienne dans le Trésor de la Hofburg. En fait, il s'agirait de la lance qui perça le flanc du Crucifié. La tradition affirme que celui qui possèdera la Sainte Lance sera revêtu de la toute-puissance, soit pour le bien, soit pour le mal : soit pour l'eau de la vie éternelle, soit pour le sang des grands massacres.
Une autre fois, Rosenberg, qui se proclamait le prophète de l'Antéchrist, se risqua à évoquer des Entités qu'il nommait Leviathan, Lucifer, Bête de l'Apocalypse et qui s'étaient déjà emparées du corps de «celui qui allait venir». Ce soir-là, les opérateurs et les assistants furent terrifiés par les Puissances maléfiques qu'ils avaient imprudemment libérées.
L'air de la pièce était à couper au couteau, la nudité du médium semblait translucide, une lumière verdâtre entourait toute chose. Von Sebottendorf voulut s'enfuir, mais Eckart s'empara de lui et le plaqua au sol. L'épouvante était si grande que personne ne songea à recueillir les paroles que n'arrêtait pas de débiter, comme une machine devenue folle, le médium toujours en transe.
À quelque temps de là, ce fut le fantôme de la comtesse von Westarp qui créa une surprise. Cette ravissante jeune femme, ex-secrétaire de Thulé, avait été elle aussi assassinée par les Rouges.
Depuis le bas-astral, qui ne dit pas que des mensonges, elle annonça que «celui qui allait venir» serait un jour, le maître de l'Allemagne et de l'Autriche. Il en serait aussi le fléau et conduirait ces deux pays à la pire dégradation morale.
Les membres de Thulé ne parlèrent jamais de ces pratiques inquiétantes.






« La Cour de Lucifer en Europe », tel était le titre, involontairement prémonitoire, d'un livre écrit par le S.S. Otto Rahn. Ce jeune colonel, qui connaissait parfaitement la France, le français et l'occitan, rechercha le Graal de Montségur pour l'offrir au Führer, grand admirateur du«Parsifal» de Wagner. L'Histoire ne dit pas s'il trouva le fabuleux calice, qui fit (et fait) rêver tant de sociétés initiatiques aussi bien en France qu'en Allemagne.
Adolf lui-même se passionnait pour la question et il s'interrogeait : « Faut-il créer une élite de véritables initiés ? Un ordre ? Une confrérie de Templiers pour la garde du Saint-Graal, réceptacle auguste où se conserve le sang pur ? »
Chose curieuse, c'est un français qui décerna aux Germains leur brevet de race pure. « Les Germains, écrivait Gobineau, sont les plus purs des Aryens. » Il leur appartient, poursuivaient les adeptes de Thulé, d'éliminer les Juifs et de dominer les Slaves, et autres races inférieures.






Quant à Novalis, il disait : « Nous autres allemands, nous sommes liés de plus près à l'invisible qu'au visible. »






Leur dogme fondamental s'articulait sur le mépris et le rejet du message de Jésus, considéré comme une invention d'esprits malades comme un idéal foncièrement profanateur et destructeur de l'héroïsme aryen.
Ce qu'ils détestaient par-dessus tout dans cette religion, c'étaient justement ses relents de judaïsme et l'on voit reparaître toutes ces idées dans les propos de Hitler : « Il y a eu les temps antiques, il y a notre mouvement. Entre les deux, le moyen âge de l'humanité qui a duré jusqu'à nous et que nous allons clore. Les Tables de la Loi de Sinaï ont perdu toute valeur. La conscience est une invention judaïque ; c'est, comme la circoncision, une mutilation de l'homme. Tout acte a son sens, même le crime. Toute passivité, toute persistance est contraire au sens de la vie. De là sort le droit divin d'anéantir tout ce qui dure. »

[…]

En 1925, Thulé envoya aux savants d'Allemagne et d'Autriche cette lettre effarante : « Il faut maintenant choisir, être avec nous ou contre nous. En même temps que Hitler nettoiera la politique, Hans Hörbiger balaiera les fausses sciences. Prenez garde : rangez-vous à nos côtés avant qu'il ne soit trop tard. »







 

 

 

 

  Ordo Templi Orientis…

   
   


[…]



 

 

 

  Ordo Novi Templi…

   
   


Il ne faut pas confondre l'O.T.O. (Ordo Templi Orientis) avec l'O.N.T., Ordo Novi Templi, Orden des Neuen Tempels, fondé à Vienne par un raciste dément, Georg Lanz von Lienbenfels. Ce personnage publiait la revue Ostara qui arborait une croix gammée. Le jeune Adolf, qui végétait alors dans la capitale des Habsbourg, se repaissait de cette littérature extravagante. Il ne rencontra pas von Liebenfels, mais il lui écrivit pour obtenir les numéros qui lui manquaient.






Il aurait bien voulu (Hitler) être admis au sein de l'Ordre du Nouveau Temple, mais il était strictement réservé aux hommes blonds ayant les yeux bleus ; ces derniers étant tenus d'épouser des femmes du même type.
« Etes-vous blond ? interrogeait la revue. Alors, vous êtes créateur de «Kultur» et mainteneur de «Kultur».
« Les humains sont des dieux qui s'ignorent. Ces dieux dorment dans les cercueils charnels que sont leurs corps. […] Ils devront être tirés de leur sommeil et sortis de leurs cercueils par la sélection et l'élevage… »
« Sélection et élevage », préconisait Lanz.
Curieuse coïncidence : leurs chemins s'étaient déjà croisés : le petit Adolf, qui émerveillait ses maîtres par sa piété, [note de l'auteur : Il raconte lui-même qu'il avait, à l'âge de neuf ans, songé à se faire prêtre, grisé qu'il était par «la solennelle splendeur des fêtes religieuses». Il empruntait à la bonne son grand tablier pour s'en faire une chasuble, grimpait sur une chaise de cuisine et se mettait à prêcher.] était pensionnaire à l'abbaye de l'Ambach quand arriva un moine cistercien, Georg Lanz. Ce dernier s'installa dans la bibliothèque du père Hagen, mort depuis longtemps, et dévora les ouvrages d'ésotérisme et de magie que ce dernier avait accumulés. Toujours est-il qu'il quitta les ordres et se rendit à Vienne où il fonda l'Ordre du Nouveau Temple. Il s'en proclama le Grand Maître et prétendit avoir été intronisé par un successeur de Jacques de Molay. Par la même occasion, il se décerna le titre de baron von Liebenfels.

Il vécut assez longtemps pour assister à l'ascension irrésistible de son disciple. Le 22 février 1932, il écrivait à un frère :
« Sais-tu que Hitler est un de mes premiers élèves ? Tu verras sa victoire et par conséquent la nôtre. Tu vivras l'extension d'un mouvement qui fera trembler le Monde…



 

 

 

 
 
Hitler, médium de satan…