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Il croyait en avoir bien fini avec l'hôpital
de Poitiers, mais non. Une lettre était arrivée
à Saint-Sulpice, à l'adresse du Supérieur
du Séminaire. Une lettre étonnante qui
commençait ainsi : « Nous, 400 pauvres,
vous supplions très humblement, par le plus
grand amour et la gloire de Dieu, nous faire venir
notre vénérable pasteur, celui qui aime
tant les pauvres : Monsieur Grignion
»
et continuait sur le même ton, accumulant les
supplications pour que Louis-Marie s'en vienne reprendre
sa charge d'aumônier
«
Mon Dieu, consolez-nous et pardonnez nos grands
péchés qui nous ont attiré pareille
disgrâce. Si nous pouvons, une fois, le revoir,
nous serons plus obéissants et fidèles
à notre Dieu
» écrivaient
en conclusion ceux qui signaient tout simplement :
« Les pauvres de Poitiers. »
La voix des pauvres, c'est pour Montfort, la voix
de Dieu. Aussi, sans tenir compte de ses aspirations
personnelles, il abandonne aussitôt son réduit
parisien, saisit son bâton de routier et marche
une fois de plus vers Poitiers.
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L'enthousiasme est si grand à l'hôpital,
qu'on allume des feux de joie pour son arrivée.
Pourtant, dans quel triste état il retrouve
son champ d'apostolat ! Le désordre y règne
partout, et l'Aumônier, devenu directeur, doit
veiller à tout. Heureusement, rien ne le rebute,
et quand un pauvre homme est hospitalisé, couvert
d'infections et de pourriture
sans parents,
sans amis, et rejeté des infirmiers, Louis-Marie
s'en charge à lui seul, le soigne, le nettoie,
lui rend tous les services que réclame son
état, et le prépare à une mort
paisible entre ses bras. |
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Montfort administre, réorganise, dirige avec
le plus de douceur possible ; et pourtant, la méchanceté
-le diable aidant- reprend le dessus peu à
peu. Un an après son retour, il est redevenu
un indésirable et projette un nouveau départ.
Il demande à Marie-Louise son avis :
« Vous avez raison, mon Père
» répond-elle, « vous faites
bien de vous éloigner. »
L'âme de Marie-Louise Trichet était
à la hauteur de celle de son père
spirituel.
Sans un mot, elle restera à son poste.
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Louis-Marie va-t-il pouvoir enfin, être missionnaire ?
Il commence par se replonger en Dieu par une fervente
retraite. Puis, il s'offre à l'évêque
pour faire des missions dans les villes et les faubourgs,
et restaurer les sanctuaires délabrés.
Par ce côté aussi, il ressemble à
saint François d'Assise, ardent au travail
pour « relever la Maison du Seigneur qui tombe
en ruines. » Comme lui, il va désormais,
chantant et priant, annoncer l'Evangile partout où
il passera appelant tous les Hommes à revenir
à Dieu. |
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Il choisit d'abord un des plus pauvres faubourgs
de Poitiers : Montbernage, où l'on vit dans
l'indifférence à l'égard de
Dieu et souvent dans la haine du prêtre.
Ce faisant tout à tous, il parcourt longuement
ces tristes ruelles, entre dans les maisons, s'intéresse
aux santés, bénis les enfants. Son
vêtement usé, mais plus encore son
visage si humble, illuminé toujours d'un
doux sourire, transforment les attitudes méfiantes,
voire hostiles. On se laisse approcher, les enfants
surtout, après avoir, comme leurs parents,
crié quelque injure pour s'attacher ensuite
aux pas du missionnaire.
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Comme toujours, ces gens se sentant aimés,
s'ouvrent peu à peu. Montfort va pourvoir,
après les enfants, grouper les adultes pour
prêcher. Mais l'Eglise paroissiale est fort
loin : jamais ils n'iront !
Qu'à cela ne tienne ! Voici une grange qui
sert de salle de fêtes : on va la transformer
en chapelle. Malgré leur indigence, tous
les pauvres se montrent généreux.
Quelques jours de travail, et les aménagements
indispensables sont faits. Au milieu, Montfort place
un grand crucifix.
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Pour décorer les murs nus et porter en procession,
il a fait broder 15 étendards représentant
les 15 mystères du rosaire.
Sa parole enflammée traite, justement, du
mystère de la croix et de la dévotion
au rosaire. Il captive littéralement son
auditoire. Et pour que la leçon entre mieux,
tout le monde chante des cantiques faits par le
prédicateur sur des airs connus dont le texte
vient répéter et appuyer son enseignement.
Chaque jour les gens viennent plus nombreux ; s'amenant
les uns, les autres.
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Processions, cantiques, chapelet récité
en commun devant la statue de Notre-Dame, renouvellent
l'intérêt et transforment peu à
peu les curs dans lesquels la grâce
de Dieu pénètre à nouveau.
Bientôt, « le bon père »
comme on l'appelle spontanément, voit bon
nombre de chrétiens revenir à Dieu
qu'ils avaient oublié depuis fort longtemps.
Justement, le Missionnaire leur fait renouveler
les vux de leur baptême.
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Et la "mission" se termine par la plantation
d'une croix qui en perpétuera le souvenir.
Après Montfort, la coutume s'en est conservée,
et c'est pourquoi on trouve ces « croix de mission
» aujourd'hui encore à des carrefours,
dans nos paroisses de ville et dans les campagnes.
A la cérémonie des adieux, le saint
missionnaire confie à la sainte Vierge tout
le faubourg de Montbernage ; la grange devenue chapelle,
est baptisée « Notre-Dame des curs
» et Louis-Marie la dote d'une statue de la
sainte vierge en y mettant une condition
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Il demande, en échange, que quelqu'un s'engage
à venir réciter le chapelet «
dimanches et fêtes » à la chapelle.
Un ouvrier du quartier s'offre aussitôt.
Jacques Goudeau remplira son engagement pendant
40 ans avec une fidélité exemplaire.
Et les habitants de ce faubourg, si bien convertis
par Louis-Marie de Montfort, resteront de vaillants
chrétiens qui seront quand il le faudra,
témoigner pour le Christ.
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Sur une des piles d'un pont de Poitiers, un petit
oratoire dédié à Notre-Dame avait
été fortement endommagé par les
crues du Clain. Montfort, fidèle à la
promesse faite à l'évêque, entreprend
de le reconstruire. On possède encore la statue
que contenait cet oratoire.
Il répare aussi le temple Saint-Jean, sans
se soucier des railleries de ceux qui jugeaient ce
travail impossible. Et, bien sûr, il réussit
dans cette entreprise, trouvant facilement l'argent
et l'aide nécessaires. |
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Et il continue ses missions. A l'issue de l'une
d'elle où il s'est employé à
faire des réconciliations dans les familles
et à en retirer les mauvais livres et les
gravures malsaines. Il lui vient une idée
: si l'on faisait « comme saint-Paul le fit
lui-même à Ephèse avec les livres
de magie que lui apportaient les convertis »
Un grand bûcher où l'on brûlerait
toute cette littérature et tous ces tableaux
qui souillent les âmes, cela ferait impression
sur la foule et serait un symbole facile à
comprendre
Le
projet est bien accueilli. De tout le quartier,
on apporte mauvais livres et vilaines gravures.
Il y en a bientôt un bon tas. Mais quelqu'un,
poussé par le zèle -ou par le diable
?- a une idée moins heureuse : sans prévenir
M. de Montfort, cette personne a confectionné
une espèce de mannequin représentant
le démon, le met au-dessus du tas et s'en
va disant partout qu'on allait brûler le diable
lui-même.
Du coup, les envieux, ceux qui sont jaloux des succès
de Montfort voient là une bonne occasion
de lui faire du tort et se précipitent à
l'évêché.
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« Monsieur de Montfort prétend brûler
le diable sur son bûcher ! » L'évêque
n'est pas là ; le Vicaire Général
(qui n'aime pas beaucoup le Missionnaire) sort furieux
et court jusqu'à l'église où
se tient la mission. Sans même se renseigner
quant à l'accusation portée, il interrompt
Louis-Marie en plein sermon et « lui fait
une verte réprimande où rien de ce
qui peut humilier et faire honte ne fut épargné
», écrit un historien
L'assistance, considérable, est remplie de
stupeur.
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Louis-Marie, dès les premiers mots, s'est mis
à genoux. Et quand le Vicaire Général
est parti, le voilà qu'il se relève
tandis que tous les visages se tendent, anxieux, vers
lui :
« Mes frères, » dit-il d'une
voix calme, « nous nous disposons à planter
une croix à la porte de cette église.
Dieu ne l'a pas voulu, nos supérieurs s'y opposent.
Plantons-là au milieu de nos curs, elle
sera mieux placée en cet endroit que partout
ailleurs. » Et il commence la récitation
du chapelet. |
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Le lendemain, à la messe, les communions
étaient plus nombreuses qu'on eût pu
l'espérer, ce qui prouve bien que le Seigneur
se sert plus encore de nos vrais mérites
et de nos souffrances que des succès apparents
pour sauver les âmes.
Cette hantise des âmes poursuit si fort Louis-Marie,
que la pensée des péchés qui
se commettent, lui fait subir, un soir -dans une
grotte où il est venu prier tout seul- une
véritable agonie semblable à celle
de notre Seigneur, au Jardin des Oliviers.
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Cette grotte sera bientôt le refuge d'un pauvre
incurable sans logis qu'il portera lui-même
sur ces épaules.
D'autres suivront, attirés par la charité
du bon Père. Montfort trouvera des femmes secourables
pour prendre en charge ces malheureux.
Et cette grotte où le saint à tant prié
et souffert deviendra plus tard un hospice d'incurables
confié aux soins des Filles de la Sagesse,
trop heureuses de poursuivre, sur les mêmes
lieux, la mission d'amour de leur père spirituel.
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Montfort a maintenant un compagnon recruté
d'une manière assez inattendu : un jour qu'il
confesse dans une église, il voit un jeune
homme qui prie longuement. Mû par une inspiration,
il l'aborde. Mathurin Rangeard, qui a 18 ans, lui
confie qu'il est venu à Poitiers chez les
Capucins.
« Je suis entré, au hasard,
dans cette église pour prier », ajoute-t-il.
« Non, pas au hasard, mais providentiellement,
» réplique Louis-Marie. Et il ajoute
simplement :
« Suis-moi ! »
C'est l'ordre même du Christ à ses
apôtres. Et le résultat est semblable
: Mathurin renonçant à tout autre
projet, s'attache immédiatement à
Louis-Marie.
Il l'aidera beaucoup dans toutes ses activités
de mission, spécialement en apprenant ses
cantiques aux foules et en faisant le catéchisme.
Il mourra à Saint-Laurent-sur-Sèvres
en 1760, bien longtemps après Louis-Marie
concluant plus de 50 années d'une fidélité
totale. « Frère Mathurin » fut
le premier compagnon du saint.
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