La mort !…

…et alors ?

 

Vie et mort de Joseph…
narrée par Jésus à ses disciples
écrite en grec à la fin du IVème siècle.

 
   

Au nom de Dieu un en son essence et triple en ses personnes.
Histoire de la mort de notre père, le saint vieillard Joseph, le charpentier ; que ses bénédictions et ses prières descendent sur nous tous, ô mes frères. Ainsi soit-il !
Sa vie fut de cent onze ans et son départ de ce monde arriva le vingtième mois d’Abib qui répond au mois d’Ab. Que sa prière nous protège. Ainsi soit-il.

C’est Notre-Seigneur Jésus-Christ lui-même qui a raconté cette histoire à ses saints disciples sur le mont des Oliviers ; c’est lui qui leur a fait connaître tous les travaux de Joseph et la consommation de ses jours ; les saints apôtres conservèrent ce discours et le laissèrent consigné par écrit dans la bibliothèque de Jérusalem.
Que leur prière nous protège ! Ainsi soit-il !

 

1.
Il arriva un jour que le Sauveur Jésus-Christ, notre Dieu, Seigneur et Maître, était assis sur le mont des Oliviers avec ses disciples réunis ensemble, leur dit : « ô mes frères et mes amis, enfants du père qui vous a choisis parmi tous les hommes, vous savez que je vous ai annoncé qu’il fallait que je fusse crucifié et que je mourusse pour le salut d’Adam et de sa postérité et que je ressuscitasse d’entre les morts. Je vais vous confier la doctrine du saint Evangile que je vous ai déjà annoncée afin que vous la prêchiez dans le monde entier, car je vous couvrirai de la vertu d’en haut, et je vous remplirai de l’Esprit-Saint. Vous prêcherez à toutes les nations la pénitence et la rémission des péchés. Car un seul verre d’eau qui sera donné à un homme dans le siècle présent est plus précieux et plus grand que toutes les richesses de ce monde entier, et l’espace d’un seul pied dans la maison de mon Père l’emporte en excellence et en valeur sur tous les trésors de la terre. Une seule heure dans l’heureuse demeure des justes donne plus de joie et vaut plus que mille années parmi les pécheurs ; car les gémissements de ces pécheurs et leurs plaintes ne cesseront point, et leurs larmes n’auront point de fin, et ils ne trouveront à aucun moment de l’éternité, ni consolation, ni repos. Et maintenant, vous qui êtes mes membres honorables, allez, prêchez à toutes les nations, portez-leur la loi nouvelle et dites-leur : le Seigneur recherche avec soin l’héritage auquel il a droit ; c’est lui qui est l’administrateur de la justice. Et les anges châtieront ses ennemis et combattront au jour de la vengeance. Dieu examinera chaque parole oiseuse et insensée qu’auront dite les hommes, et ils lui en rendront compte, car personne ne sera exempt de la loi de mortalité, et les œuvres de chacun seront révélées au grand jour du jugement, soit qu’elles aient été bonnes, soit qu’elles aient été mauvaises. Annoncez donc cette parole que je viens de vous dire aujourd’hui : que le fort ne tire point vanité de sa force, ni le riche de ses richesses ; mais que celui qui veut être glorifié, se glorifie dans le Seigneur. »

9.
Hérode mourut d’une manière horrible, portant la peine du sang innocent qu’il avait versé lorsqu’il avait fait périr injustement des enfants innocents de tout péché. Et quand cet impie et tyrannique Hérode fut mort, mes parents revinrent dans la terre d’Israël…

12.
Il arriva enfin que l’instant de la mort du pieux vieillard Joseph approchât et que vint le moment où il devait quitter ce monde comme les autres hommes qui sont assujettis à revenir à la terre. Et son corps étant près de sa destruction, l’ange du Seigneur lui annonça que l’heure de sa mort était proche. Alors la crainte s’empara de lui, et son esprit tomba dans un trouble extrême. Et se levant, il alla à Jérusalem. Et étant entré dans le temple du Seigneur, et répandant des prières devant le sanctuaire, il dit :

13.
« Ô Dieu ! auteur de toute consolation, Dieu de toute miséricorde et Seigneur du genre humain tout entier, Dieu de mon âme, de mon esprit et de mon corps, je t’adresse mes adorations et mes prières, ô mon Dieu et mon Seigneur ! Si mes jours sont déjà consommés et si le temps arrive où je dois sortir de ce monde, envoie, je t'en supplie, le grand Michel, le prince de tes anges. Et qu'il demeure avec moi, afin que ma pauvre âme sorte de ce corps débile sans souffrance, sans crainte et sans impatience ; car un grand effroi et une violente tristesse s'emparent de tous les corps au jour de leur mort, qu'ils soient mâles ou femelles, bêtes des champs ou des bois, qu'ils rampent sur la terre ou qu'ils volent dans l'air. Toutes les créatures qui sont sous le ciel et dans lesquelles s'anime l'esprit de vie sont frappées d'horreur, d'une grande crainte et d'une répugnance extrême lorsque leurs âmes sortent de leurs corps. Or, mon Dieu et Seigneur ! que ton saint ange prête son assistance à mon âme et à mon corps jusqu'à ce que leur séparation se soit consommée. Et que la face de l'ange, désigné pour me garder depuis le jour où j'ai été formé, ne se détourne pas de moi. Mais qu'il soit mon compagnon et mon guide jusqu'à ce qu'il m'ait conduit à toi. Que son visage soit pour moi plein d'allégresse et de bienveillance, et qu'il m'accompagne en paix. Ne permets pas, ô mon Dieu ! que les démons s'approchent de moi sur le chemin qui doit me conduire heureusement à toi. Et ne permets pas que les gardiens du paradis m'en refusent l'entrée. Et, dévoilant mes fautes, ne m'expose pas à l'opprobre en face de ton tribunal redoutable. Que les lions ne se précipitent pas sur moi. Et que les flots de la mer de feu que je dois nécessairement traverser ne submergent pas mon âme avant que j'ai contemplé la gloire de ta divinité. Ô Dieu ! juge très équitable, qui dois juger les mortels dans la justice et les traiter chacun selon ses œuvres, assiste-moi dans ta miséricorde et éclaire ma voie pour que je parvienne à toi. Car tu es la source abondante de tous biens et de la gloire pour l'éternité. Ainsi soit-il. »

14.
Il arriva ensuite, lorsque Joseph revint chez lui, dans la ville de Nazareth, qu'il fut atteint d'une maladie et retenu au lit. Et le temps était venu où il devait mourir, comme c'est le destin de tous les hommes. Et il éprouvait une vive souffrance de cette maladie et c'était la première qu'il l'eût depuis le jour de sa naissance. Or voici comment il avait plu au Christ d'ordonner les choses relatives à Joseph. Il vécut quarante ans avant de contracter mariage. Sa femme passa avec lui quarante-neuf ans, et quand ils furent écoulés, elle mourut. Un an après sa mort, les prêtres confièrent à Joseph ma mère, la bienheureuse Marie, afin qu'il la gardât jusqu'au temps des noces. Elle resta deux ans dans sa maison, et la troisième année de son séjour chez Joseph, étant âgée de quinze ans, elle m'enfanta sur la terre par un mystère qu'aucune créature ne peut pénétrer ni comprendre, si ce n'est moi, mon Père et l'Esprit-Saint, constituant avec moi une seule et unique essence.

15.
La mort de mon père, ce vieillard juste arriva ainsi à cent onze ans, ainsi que l'avait décidé mon Père céleste. Et le jour auquel son âme se dépara de son corps était le vingt-sixième jour du mois d'Abib. Il commença à perdre un or d'une splendeur éclatante, c'est-à-dire son intelligence à la science. Il prit du dégoût pour les aliments et la boisson. Et il arriva, le vingt-sixième jour du mois d'Abib, que l'âme du vieillard Joseph le Juste fut comme troublée pendant qu'il était dans son lit. Car il ouvrait la bouche, poussant des soupirs et frappant dans ses mains l'une contre l'autre. Et il cria d'une voix élevée, parlant de cette manière :

16.
« Malheureux le jour où je suis né ! Malheureux le ventre qui m'a porté ! Malheureuses les entrailles qui m'ont reçu ! Malheureuses les mamelles qui m'ont allaité ! Malheureux les pieds qui m'ont soutenu ! Malheureuses les mains qui m'ont porté et m'ont élevé jusqu'à ce que j'eusse grandi, car j'ai été conçu dans l'iniquité et ma mère m'a engendré dans le péché. Malheur à ma langue et à mes lèvres, car elles ont parlé et elles ont proféré des paroles de vanité, de reproche, de mensonge, d'ignorance, de dérision, d'instabilité et d'hypocrisie ! Malheur à mes yeux, car ils ont contemplé le scandale ! Malheur à mes oreilles, car elles se délectaient aux discours des calomniateurs ! Malheur à mes mains, car elles ont pris ce qui ne leur appartenait point ! Malheur à mon ventre et à mes intestins, car ils ont désiré une nourriture dont l'usage leur était interdit ! Malheur à mon gosier qui, semblable à du feu, consumait tout ce qu'il pouvait ! Malheur à mes pieds qui ont souvent suivi des sentiers proscrits par Dieu ! Malheur à mon corps, et malheur à mon âme rebelle à Dieu, son créateur ! Que ferai-je lorsque j'arriverai face à face devant le juge de toute équité, et lorsqu'il me reprochera les œuvres que j'ai accumulées dans ma jeunesse ? Malheur à tout homme qui meurt dans ses péchés ! Cette heure terrible, qui a déjà frappé mon père Jacques, lorsque son âme s'envola de son corps, la voici donc ! Elle est proche ! Oh ! qu'aujourd'hui je suis misérable et digne de compassion ! Mais Dieu seul est le directeur de mon âme et de mon corps ; qu'il agisse avec eux selon son bon vouloir. »

17.
Ce furent les paroles de Joseph, ce juste vieillard. Et moi, entrant et m'approchant de lui, je trouvai son âme excessivement troublée et livrée à une grande angoisse. Et je lui dis : « Salut, Joseph, mon père, homme juste ; comment est ta santé ?» Et il me répondit : « Je te salue mille fois, ô mon fils chéri ! La douleur et la crainte de la mort m'ont déjà entouré ; mais, aussitôt que j'ai entendu ta voix, mon âme a retrouvé le repos. Ô Jésus de Nazareth, Jésus mon consolateur, Jésus le libérateur de mon âme, Jésus, mon protecteur ! Jésus, ô nom très doux dans ma bouche et pour ceux qui l'aiment ! Œil qui voit et oreille qui entend, exauce-moi. Moi, ton serviteur, je te vénère aujourd'hui en toute humilité, et je répands mes larmes devant toi. Tu es mon Dieu, tu es mon Seigneur, ainsi que l'ange me l'a annoncé bien souvent ; mon âme flottait irrésolue, surtout en ce jour lorsque, agité en de mauvaises pensées, à cause de la pure et bénie Marie qui avait conçu, je songeais à la renvoyer en secret. Tandis que je méditais ce projet, voici que, par un mystère admirable, les anges du Seigneur m'apparurent pendant mon sommeil et me dirent : Ô Joseph, fils de David, ne crains point de prendre Marie pour ta fiancée, et ne t'afflige pas de ce qu'elle a conçu ; garde-toi de proférer à cet égard des paroles répréhensibles, car elle est enceinte par l'opération de l'Esprit-Saint, et elle engendrera un fils qui portera le nom de Jésus, et c'est lui qui rachètera les péchés de son peuple. Et maintenant ne me reprends pas de ma faute, Seigneur, car j'ignorais les mystères de la nativité. Je me souviens, Seigneur, du jour où un enfant périt de la morsure d'un serpent ! Ses parents voulaient te livrer à Hérode, t'accusant de l'avoir fait mourir. Mais tu le ressuscitas d'entre les morts, et tu le leur rendis. Alors, m'approchant de toi et te prenant la main, je te dis : « Mon fils, prends garde à toi. » Mais tu me répondis : « N'es-tu pas mon père selon la chair ? Je t'enseignerai qui je suis. » Maintenant, ô mon Seigneur et mon Dieu, ne t'irrite pas contre moi, et ne me condamne pas à cause de cette heure. Je suis ton esclave et le fils de ta servante ; mais toi, tu es mon Seigneur, mon Dieu et mon Sauveur ; tu es certainement le Fils de Dieu. »

18.
Après avoir ainsi parlé, mon père ne put pleurer davantage. Et je vis que la mort le dominait déjà. Et ma mère, la Vierge sans tache, se levant et s'approchant de moi, dit : « Ô mon fils chéri, ce pieux vieillard, Joseph, va mourir. » Et je lui répondis : « Ô ma mère bien-aimée, c'est la loi commune à toutes les créatures qui naissent en ce monde, car la mort a obtenu son droit assuré sur tout le genre humain. Et toi, ma mère, et tout le reste des êtres humains, vous devez vous attendre à voir se terminer votre vie. Mais ta mort, ainsi que la mort de ce pieux vieillard, n'est point une mort véritable, mais une porte pour entrer dans la vie qui est éternelle et qui ne connaît point de fin. Le corps même que j'ai reçu de toi est également sujet à la mort. Mais lève-toi, ma mère digne de toute vénération, et approche-toi de Joseph, ce vieillard béni, afin que tu voies ce qui arrivera au moment où son âme se séparera de son corps. »

19.
Et Marie ma mère immaculée, alla donc, et elle entra dans l'endroit où était Joseph, et j'étais assis à ses pieds, le regardant. Apparaissaient déjà sur son visage les signes de la mort. Et ce bienheureux vieillard, levant la tête, me regarda en fixant sur moi les yeux. Mais il n'avait nullement la force de parler, à cause de la douleur de la mort qui le tenait enveloppé ; seulement, il poussait de grands soupirs. Et je tins ses mains durant l'espace d'une heure entière. Et lui, ayant tourné son visage vers moi, me faisait signe de ne point l'abandonner. Ayant ensuite posé ma main sur sa poitrine, je pris son âme, déjà près de sa gorge, et sur le point de sortir de sa retraite…

20.
Quand ma mère, toujours vierge, vit que je touchais le corps de Joseph, elle lui toucha les pieds. Et les trouvant déjà privés de vie et glacés, elle me dit : « Ô mo, cher fils, ses pieds commencent déjà à se refroidir, et ils sont froids comme la neige. » Ayant réuni ses fils et ses filles, elle leur dit : « Venez, tous tant que vous êtes, et approchez de votre père, car il est certainement arrivé à son dernier moment. » Et Assia, fille de Joseph, répondit : « Malheur à moi, ô mes frères, car c'est la même maladie dont est morte notre mère bien-aimée. » Elle pleurait et poussait des cris de douleur, et tous les autres enfants de Joseph répandirent aussi des larmes. Et moi, et Marie, nous pleurions avec eux.

21.
Et me retournant vers le midi, je vis la mort qui s'approchait, et avec elle, toutes les puissances de l'abîme, leurs armées et leurs satellites. Et leurs vêtements, leurs bouches et leurs visages jetaient du feu. Quand mon père Joseph les vit venir à lui, ses yeux furent inondés de larmes. Et, en même temps, il poussa un gémissement extraordinaire. Alors, voyant la violence de ses soupirs, je repoussai la mort et toute la foule des ministres dont elle était accompagnée, et j'invoquai mon Père miséricordieux, disant :

22.
« Ô père de toute clémence, œil qui voit, oreille qui entend ! écoute mes supplications et mes prières pour le vieillard Joseph, et daigne envoyer Michel, le prince de tes anges, et Gabriel, le héraut de la lumière, et toute la lumière de tes anges, et que tout leur cortège chemine avec l'âme de mon père Joseph jusqu'à ce qu'ils te l'aient amenée. Voici l'heure où mon père a besoin de miséricorde. Et je vous dis que tous les saints, bien plus, que tous les hommes qui naîtront dans ce monde, qu'ils soient justes ou pervers, doivent nécessairement goûter la mort. »

23.
Michel et Gabriel vinrent donc vers l'âme de mon père Joseph. Et l'ayant prise, ils l'enveloppèrent dans un linceul éclatant. Il rendit ainsi l'esprit dans les mains de mon Père miséricordieux, et la paix lui fut accordée, et aucun de ses enfants ne sut qu'il s'était endormi. Mais les anges défendirent son âme des démons des ténèbres qui étaient sur la route, et ils louèrent Dieu, jusqu'à ce qu'ils l'eussent conduite au lieu qu'habitent les justes.

24.
Cependant son corps resta étendu et sans couleur. Car, ayant approché ma main de ses yeux, je les avais fermés ; j'avais fermé également sa bouche, et j'avais dit à la Vierge Marie : « Ô ma mère, où est l'habileté qu'il avait acquise dans son art pendant tout le temps qu'il a vécu en ce monde ? Elle a péri avec lui, et elle est comme si elle n'avait jamais existé. » Quand les enfants de Joseph entendirent que je parlais avec ma mère, la Vierge sans tache, ils connurent qu'il avait expiré, et, versant des larmes, ils poussèrent des cris de douleur. Et je leur dis : « La mort de votre père n'est pas la mort, mais la vie éternelle. Car, délivré des tribulations de ce siècle, il est entré dans le repos éternel qui ne connaît point de fin. » Et quand ils entendirent ces paroles, ils déchirèrent leurs vêtements en pleurant.

25.
Et quelques habitants de la ville de Nazareth et des gens de toute la Galilée, sachant leur désolation, vinrent à eux, et ils pleurèrent depuis la troisième jusqu'à la neuvième heure. Et à la neuvième heure, ils allèrent ensemble dans la chambre de Joseph, et, après avoir frotté son corps de parfums précieux, ils l'emportèrent. Moi, j'adressais ma prière à mon Père céleste. Cette prière est celle que j'écrivis de ma main avant que je ne fusse dans le sein de la Vierge marie, ma mère. Et dès que je l'eus finie, et que j'eus dit "amen", une grande multitude d'anges apparurent, et j'ordonnai à deux d'entre eux d'étendre une étoffe écarlate, et d'envelopper le corps de Joseph, le vieillard béni.

26.
Et m'approchant de Joseph, je dis : « L'odeur de la mort, l'odeur cadavérique ne domineront point en toi, et nul ver ne sortira de ton corps. Aucun de tes membres ne sera brisé, aucun cheveu arraché de ta tête, et il ne périra aucune partie de ton corps, ô mon père Joseph ; mais il restera entier et sans corruption jusqu'au festin de mille ans. Et tout homme qui aura eu soin de faire ses offrandes au jour de ton anniversaire, je le bénirai et je le rétribuerai dans l'assemblée des vierges. Et quiconque aura donné de la nourriture aux indigents, aux pauvres, aux veuves et aux orphelins, qui leur aura distribué le fruit du travail de ses mains le jour que l'on célèbre ta mémoire, et en ton nom, celui-là ne sera pas dénué de biens durant tous les jours de sa vie. Quiconque aura donné en ton nom à une veuve ou à un orphelin, un verre d'eau pour se désaltérer, je lui accorderai que tu partages avec lui le banquet des mille ans. Et tout homme qui aura soin de faire ses offrandes le jour de ton anniversaire, je le bénirai et je lui rendrai dans l'assemblée des vierges, et je le lui rendrai trente, soixante et cent pour un. Et quiconque retracera l'histoire de ta vie, de tes épreuves, de ta séparation du monde et ces paroles sorties de ma bouche, je le confierai à ta garde, tant qu'il demeurera en cette vie. Lorsque son âme abandonnera son corps et qu'il lui faudra quitter ce monde, je brûlerai le livre de ses péchés, et je ne le tourmenterai d'aucun supplice au jour du jugement ; mais il traversera la mer de feu, et il la franchira sans douleur et sans obstacle ; mais il en sera autrement à tout homme avide et dur qui n'accomplira pas ce que j'ai prescrit. Et celui auquel il naîtra un fils, et qui lui donnera le nom de Joseph, n'aura point de part à l'indigence ni à la mort qui ne finit point. »

27.
Les principaux habitants de la ville se réunirent ensuite dans le lieu où était placé le corps du saint vieillard Joseph. Et, apportant avec eux des bandes d'étoffe, ils voulurent l'envelopper selon l'usage consacré parmi les Juifs. Mais ils trouvèrent que son linceul tenait à son corps si fortement que, lorsqu'ils cherchèrent à l'enlever, il resta adhérent, sans pouvoir être déplacé, et il avait la dureté du fer, et ils ne purent trouver en ce linceul aucune couture qui en indiquât les extrémités ; ce qui les remplit d'un grand étonnement. Enfin, ils le portèrent auprès de la caverne, et ils ouvrirent la porte afin de placer son corps avec ceux de ses pères. Alors je me rappelai le jour où il cheminait avec moi vers l'Egypte, et je songeai à toutes les peines qu'il avait supportées à cause de moi, et je pleurai sa mort beaucoup de temps. Et, me penchant sur son corps, je dis :

28.
« Ô mort qui anéantis toute science et qui causes tant de larmes et tant de cris de douleur, certes tu n'as reçu cette puissance que de Dieu, mon père. Les hommes périssent à cause de la désobéissance d'Adam et de sa femme Eve, et la mort n'épargne aucun d'eux. Mais nul ne peut être enlevé de ce monde sans la permission de mon père. Il y a eu des hommes dont la vie s'est prolongée jusqu'à neuf cents ans ; mais ils ne sont plus. Et quelque longue qu'ait été la carrière de certains d'entre eux, tous ont succombé, et aucun n'a pu dire : « Je n'ai pas goûté la mort. » Et il a plu à mon père d'infliger cette peine à l'homme, et quand la mort a vu quel commandement lui venait du ciel, elle a dit : « J'irai contre l'homme, et je ferai autour de lui un grand ébranlement. » Adam ne s'étant point soumis à la volonté de mon père, et ayant transgressé ses ordres, mon père courroucé contre lui, l'a livré à la mort, et c'est ainsi que la mort est entrée dans ce monde. Si Adam avait observé les ordres de mon père, la mort n'aurait jamais eu d'emprise sur lui. Pensez-vous que je ne pourrai pas demander à mon père de m'envoyer un char de feu pour recevoir le corps de mon père Joseph, et le transporter dans un séjour de repos où il habite avec les saints ? Mais cette angoisse et ce châtiment de la mort ont frappé tout le genre humain à cause de la prévarication d'Adam. Et c'est pour ce motif que je dois mourir selon la chair, non à cause de mes œuvres, mais pour que les hommes que j'ai créés obtiennent grâce devant Dieu. »

29.
Ayant dit ces paroles, j'embrassai le corps de mon père Joseph, et je pleurai sur lui. Les autres ouvrirent la porte du sépulcre, et ils déposèrent son corps à côté de celui de son père Jacques. Lorsqu'il s'endormit, il avait accompli cent onze ans ; il n'eut jamais aucune dent qui lui occasionnât la moindre douleur dans la bouche, et ses yeux conservèrent toute leur pénétration ; sa taille ne se courba point, et ses forces ne s'affaiblirent point ; il s'occupa de sa profession de charpentier jusqu'au dernier jour de sa vie. Et ce jour fut le vingt-sixième du mois d'Abib.

30.
Après avoir entendu notre Sauveur, nous, les apôtres, nous levâmes remplis d'allégresse, et, lui ayant rendu hommage en nous inclinant profondément, nous dîmes : « Ô notre Sauveur, tu nous as fait une grande grâce, car nous avons entendu des paroles de vie ? Mais nous sommes étonnés du sot d'Enoch et d'Elie ; car il n'ont pas été sujets à la mort. Ils habitent la demeure dès jusqu'au jour présent, et leurs corps n'ont point été sujets à la corruption. Cependant, ce vieillard, Joseph le charpentier était ton père selon la chair. Tu nous as ordonné d'aller dans le monde entier prêcher le saint Evangile, et tu as dit : « Annoncez-leur la mort de mon père Joseph, et célébrez, par une solennité, le jour consacré à sa fête. Quiconque retranchera quelque chose commettra un péché. » Nous sommes aussi surpris de ce que Joseph, depuis le jour que tu es né à Bethléem, t'ait appelé son fils selon sa chair. Pourquoi donc ne l'as-tu pas rendu immortel, ainsi que le sont Enoch et Elie ? Tu dis pourtant qu'il fut juste et élu. »

31.
Alors notre Sauveur répondit et dit : « La prophétie de mon père s'est accomplie sur Adam à cause de sa désobéissance, et toutes choses s'accomplissent selon la volonté de mon père. Si l'homme désobéit à Dieu ; s'il accomplit les œuvres du démon en commettant le péché, son âge s'accomplit ; il est conservé en vie pour qu'il puisse faire pénitence, et éviter d'être remis aux mains de la mort…

[…]

…Toute prophétie que mon père a prononcée touchant les fils des hommes doit s'accomplir en chaque chose. Quant à ce qui regarde Enoch et Elie, ils sont encore en vie aujourd'hui, gardant les mêmes corps avec lesquels ils sont nés. Et quant à mon père Joseph, il ne lui a pas été donné, comme à eux, de rester en son corps ; et quand même un homme aurait vécu des myriades d'années sur cette Terre, il serait encore forcé d'échanger la vie contre la mort. Et je vous dis, ô mes frères, qu'il fallait qu'Enoch et Elie revinssent en ce monde à la fin des temps, et qu'ils perdissent la vie le jour de la désolation, de l'angoisse, de l'affliction et de la grande commotion ; car l'Antéchrist tuera quatre corps, et il répandra le sang comme de l'eau, à cause de l'opprobre auquel ils doivent l'exposer, et de l'ignominie dont, vivants, ils le frapperont, lorsque son impiété sera découverte. »

32.
Et nous nous écriâmes : « Ô Notre-Seigneur, Dieu et Sauveur ! quels sont ces quatre corps que tu as dit que l'Antéchrist devait faire périr, parce qu'ils s'élèveraient contre lui ? » Et le Sauveur répondit : « Ce sont Enoch, Elie, Schila et Tabitha. » Lorsque nous entendîmes les paroles de notre Sauveur, nous nous réjouîmes et nous nous livrâmes à l'allégresse, et nous offrîmes toute gloire et actions de grâces à Notre-Seigneur, Dieu et Sauveur Jésus-Christ. Car c'est à lui que sont dus gloire, honneur, dignité, domination, naissance et louange, ainsi qu'au Père miséricordieux avec lui et au Saint-Esprit, vivifiant maintenant et dans tous les temps et dans tous les siècles des siècles.

Ainsi soit-il.

 

   
   


Extrait du Dictionnaire des Apocryphes publié par
L'abbé Migne en 1856 et 1858.