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Un jour, pour l'aider dans sa lourde tâche,
l'évêque décide de lui donner
un vicaire, l'abbé Raymond. Malgré tout,
les journées sont bien remplies.
Essayons, si tu le veux, de passer une journée
à Ars au temps de Monsieur Vianney. Nous voici
arrivés dans l'après-midi. Une foule
très dense se presse sur la petite place de
l'église. Impossible de pénétrer
dans celle-ci : elle est bondée, et le restera
jusqu'à sa fermeture, tard dans la soirée.
Tout le monde prie ; personne ne veut partir afin
de ne pas perdre son tour au confessionnal. |
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Minuit
une heure du matin. Le curé quitte
le presbytère où il vient de passer
quelques heures. Il entre dans l'église, ouvre
la porte à ceux qui attendent dehors. Une prière
fervente devant le maître-autel, et voici le
prêtre dans le confessionnal.
Il y restera jusqu'à 6 ou 7 heures, sans discontinuer,
apportant la paix du Seigneur à ceux qui ont
fait parfois des centaines de kilomètres pour
venir se réconcilier avec Dieu. |
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Puis
Monsieur Vianney sort du confessionnal, s'agenouille
sur les dalles du chur pour se préparer
silencieusement à la messe, et monte ensuite
à l'autel. Pour lui, c'est le grand moment
de la journée : rien n'est trop beau pour célébrer
: le plus beau calice, les plus beaux ornements, un
autel magnifiquement paré, et une foule en
prière dans une attitude de respect et de foi
[
] Il faut voir avec quelle ferveur, avec quel
amour il célèbre !
Après la messe et quelques instants d'action
de grâces, c'est de nouveau le confessionnal
jusqu'à dix heures et demie. Puis, pendant
un moment, il récite son bréviaire avant
de s'installer à 11heures dans la petite chaire
d'où il fait le catéchisme. Pendant
une heure, il parle, passe d'un sujet à l'autre,
laissant déborder de son cur son immense
amour de Dieu. L'église est toujours comble,
tout le monde écoute avec une grande attention
ces paroles qui vont droit à l'âme.
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Car les paroles du curé d'Ars frappe les auditeurs
comme si chacun se sentait visé directement.
Un médecin de Lyon vient un jour avec un groupe
de parents et d'amis. Aux premiers mots du catéchisme,
il éclate de rire et, pour ne pas se faire
remarquer, il enfouit la tête dans ses mains.
Peu à peu, plus de rire, les paroles du prêtre
pénètrent en lui ; bientôt, de
grosses larmes coulent de ses yeux ; le docteur vient
d'être éclairé par l'amour de
Dieu
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A midi, après avoir récité
l'Angélus, agenouillé devant l'autel,
Monsieur Vianney se rend au presbytère pour
y prendre son repas. Mais il lui faut au moins un
quart d'heure pour franchir les quelques mètres
qui séparent le presbytère de l'église.
Tous les jours, la foule se presse à cet
endroit : malades ou infirmes, enfants ou vieillards
qui ne peuvent entrer dans l'église et y
rester longtemps, ou encore visiteurs qui ne désirent
pas se confesser. Monsieur Vianney dit une bonne
parole à l'un, adresse un sourire à
l'autre, et bénit tous les enfants.
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Certains jours, il y a tant de monde qu'il ne peut
passer. Alors, il use d'un stratagème délicieux
: il prend une poignée de médailles
qu'il lance à la volée. Pendant que
les gens se bousculent pour les ramasser, il se
précipite dans la cour du presbytère,
verrouille sa porte, n'acceptant personne pour lui
tenir compagnie pendant son repas. Il est facile
de comprendre cette mesure quand on sait de quoi
il se nourrit. Son repas en effet n'a pas varié
: quelques pommes de terre cuites une fois pour
toute la semaine, ou quelques matefaims.
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Un tel repas ne lui prend pas beaucoup de temps.
« Entre midi et une heure, il m'est arrivé,
de dîner, balayer ma chambre, faire ma barbe,
dormir et visiter un malade. » précise-t-il.
Tous les jours, en effet, après son repas,
le curé visite les orphelines de la «
Providence » et les malades : ceux de la paroisse
comme ceux qui sont venus de loin en pèlerinage.
Une foule de gens l'accompagne, avides de recevoir
ses conseils pour transformer leur vie ou trouver
un peu d'espérance dans leurs épreuves.
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Monsieur Vianney revient alors à l'église
où il confesse les femmes jusqu'à
5 heures environ, puis les hommes jusqu'à
7 heures et demi ou 8 heures. Il monte ensuite en
chaire pour y présider la prière du
soir, et rentre enfin à son presbytère
où il se retire jusqu'à minuit ou
une heure.
Et tous les jours, pendant de longues années,
ce fut le même régime de vie écrasant.
Jamais un "humain" ne peut assumer des
journées aussi chargées pendant si
longtemps.
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L'abbé Vianney a eu la tentation de se retirer
dans la solitude pour passer ses journées à
prier Dieu. Une première fois en 1840, il écrit
à l'évêque de Belley pour lui
en demander l'autorisation, puis, profitant d'une
nuit noire, il quitte son presbytère à
deux heures du matin. Mais arrivé à
la croix des Combes, à quelque distance, il
s'arrête et réfléchit :
« Est-ce bien ce que tu fais là ? N'est-il
pas mieux de rester à Ars pour convertir les
âmes ? »
Aussitôt il reprend son baluchon, fait demi-tour
et retrouve le chemin de son confessionnal. |
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Trois ans plus tard, alors qu'il préside
le mois de Marie, le curé s'écroule
dans la chaire, épuisé par son labeur
harassant. on s'empresse, on le transporte dans
la chambre voisine de la sienne, on l'installe sur
un lit de fortune. Tous, paroissiens et pèlerins,
sont frappés de stupeur, accablés
de chagrin. Leur curé va-t-il mourir ? Un
médecin est appelé et en convoque
trois autres pour avoir leur avis. Monsieur Vianney,
qui a gardé toute sa lucidité, ne
peut s'empêcher de leur dire :
« Je soutiens un grand combat. »
_ « Contre qui donc ? » Avec humour,
il répond :
_ « Contre quatre médecins. S'il en
vient un cinquième, je suis mort. »
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Au bout de neuf jours durant lesquels il est entre
la vie et la mort, le malade se sent soudain beaucoup
mieux, tandis que l'on célèbre pour
lui une messe en l'honneur de sainte Philomène.
Alors, il demande à nouveau à Monseigneur
l'autorisation de quitter Ars. En attendant la réponse,
il part pour Dardilly chez son frère François.
Mais on a découvert sa retraite ; bientôt,
Dardilly voit arriver les foules de pèlerins,
Jean-Marie reprend donc le chemin du confessionnal.
Là-dessus, arrive la réponse de l'évêque,
qui lui laisse le choix entre Ars et un poste d'aumônier.
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L'abbé Vianney hésite, mais après
une fervente prière, il décide de
retourner à Ars.
Une voiture le transporte jusqu'à 7 kilomètres
du village. Le reste du chemin, il le fait à
pied. Quand il arrive, un bâton à la
main comme un pèlerin, les cloches sonnent
à toute volée. Les paroissiens sont
rassemblés sur la place, beaucoup en tenue
de travail.
Très ému, le Curé les bénit
:
« Je ne vous quitterai plus, mes enfants
Je ne vous quitterez plus ! »
Tous entrent alors à l'église, et
Monsieur Vianney reprend ses fonctions en présidant
la prière du soir.
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Dix ans plus tard, cependant, la hantise du silence
et de la prière dans un monastère le
reprend. Une nuit, il quitte le presbytère,
accompagné de Catherine Lassagne et de Marie
Filliat qui doivent le guider jusqu'à la passerelle
du ruisseau. Mais la population est alertée,
le tocsin sonne, la foule se rassemble et le suit
en le suppliant de rester. On arrive à la passerelle.
L'abbé Toccanier, un prêtre que l'évêque
de Belley avait adjoint à Monsieur Vianney,
s'empare du bréviaire du curé. Celui-ci
s'arrête, hésite, puis :
« J'ai un autre bréviaire dans
ma chambre » dit-il.
« Retournons le chercher. » |
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Tout
le monde rebrousse chemin vers Ars. Durant le trajet,
les supplications des paroissiens redoublent. Bientôt
s'y mêlent celles des pèlerins qui, sur
le passage du curé, se précipitent,
s'agenouillent :
« Mon Père, avant de partir, confessez-moi
! »
L'abbé Toccanier insiste :
« Monsieur le Curé, vous ne pouvez
laisser sans confession ces gens venus de si loin
! »
Alors, brusquement, Monsieur Vianney se décide
: il entre dans l'église, prend son surplis,
se dirige vers son confessionnal.
Cette fois, c'est fini, il ne cherchera plus à
s'en aller.
Rien
n'a jamais pu amoindrir l'humilité de l'abbé
Vianney qui s'appelait lui-même : un "pauvre"
petit prêtre"... Un jour se présente
à lui un frère de la Sainte-Famille,
le frère Gabriel ; il a écrit un petit
livre intitulé : « L'ange conducteur
des pèlerins d'Ars » et, dans la préface
de son ouvrage, a glissé un éloge du
saint curé. Celui-ci, après avoir lu
ce que l'on dit de lui, s'écrie :
« Je ne vous croyais pas capable d'écrire
un mauvais livre ! »
« Comment, un mauvais livre ? »
« Oui, un mauvais livre ; retranchez
tout ce qui me concerne ! »
Bien entendu, l'auteur ne retrancha rien.
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L'abbé
Vianney ne voulut jamais se laisser photographier.
Cependant, l'évêque voulait avoir un
portrait de son curé. Il charge un grand sculpteur,
Cabuchet, de faire une statue de Monsieur Vianney,
et donne à l'artiste une lettre de recommandation
dans laquelle il insiste pour que le curé accepte
de le laisser faire. L'abbé Vianney refuse
énergiquement !
Alors Cabuchet s'installe dans l'église pendant
le catéchisme ; il a un grand chapeau dans
lequel il dissimule la cire, et, pendant que le curé
parle, il travaille discrètement.
Le buste est enfin achevé. On l'apporte
dans la salle à manger de la maison où
demeure Monsieur Toccanier ; on invite Monsieur Vianney
qui se trouve mis brusquement en présence de
sa statue.
« Qui a fait cela ? » demande-t-il
tout confus. Cabuchet se présente.
« Vous m'avez désobéi,
» dit le curé, « dois-je vous pardonner
? » Les personnes présentes le supplient
d'accorder son pardon. Et finalement, l'abbé
Vianney accepte que la statue ne soit pas détruite,
mais à une condition : qu'elle ne soit pas
montrée au public avant sa mort. |
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