Quand le Ciel parle…

…le Ciel pleure

 

9 décembre 1984

   
   

Tendez vos élans et vos jours vers cette seule Lumière que je souhaite faire briller dans votre horizon de nuit, de souffrance, de chagrin et de drame.

Lorsque sur les chemins écrasés de soleil, écrasés de chaleur, les lourds chariots s'avançaient, tirés par des bœufs qui passivement baissaient la tête, attentifs seulement à satisfaire l'ordre puissant d'un maître énergique et déterminé, lorsque ces lourds chariots s'en allaient sur des chemins pleins de poussière que le pas lourd des attelages faisait voler alentour dans un nuage qui, souvent, obscurcissait la vue, ces chariots chargés s'éloignaient, emportant l'offrande d'une terre riche qui avait su donner des éléments d'amour puissants pour que le pain puisse, un jour, faire renaître des vies ; lorsque ces convois chargés s'éloignaient vers le lointain, il était toujours, dans certains coins déshérités, des masures sordides où, étendue sur un grabat, une mère agonisante levait vers Dieu ses yeux désespérés, des yeux qui seuls maintenant, brillaient dans un visage ravagé de souffrance et couvert de larmes…
Et l'appel montait vers ce Ciel qui tout à coup semblait s'être obscurci, pour une prière qui demandait pour l'enfant famélique couché aux côtés de la moribonde, la main d'amour qui pourrait, en le prenant et en le gardant, redonner au petit corps décharné la douceur de l'enfance et l'espoir de la vie. Et le cri de la mère montait vers Dieu pour ce seul être qu'elle aimait, dans l'oubli de sa propre souffrance ; et c'est à travers son propre sacrifice qu'elle demandait pour cet enfant né de sa chair la miséricorde et l'amour de Dieu.

Savez-vous, enfants, ce qu'il faut de courage à l'être qui supplie pour oublier sa peine, sa douleur, son angoisse et sa propre vie pour que la vie de l'autre refleurisse ?…

Le temps des lourds chariots gorgés de la manne et de l'offrande de la terre noire et grasse est largement dépassé, et si de pauvres mères n'agonisent plus sur des grabats dans la solitude et la faim, il est d'autres êtres sur cette pauvre Terre qui, dans la solitude de leurs vies, agonisent en lançant vers Dieu l'appel désespéré de leurs cœurs pour que d'autres mains se tendent pour épargner d'autres vies et apaiser d'autres pleurs.
Lequel d'entre vous, enfants, va se souvenir de ces paroles et osera faire et avoir le geste d'aide et d'assistance ?
Lequel d'entre vous, enfants, saura s'abstraire de ses dilemmes et de son drame pour oser prendre au fond de son cœur les éléments de vie, et les offrir à l'autre dans un geste de tendresse infinie et sincère ?
Savez-vous, enfants, l'attente angoissée, la souffrance inexprimée, les espoirs déçus et vains, la peur de ce geste que l'on va tenter comme en un appel au secours, pour une prise de conscience de ces gestes qu'une Humanité indifférente et hostile n'a su avoir, pour faire le pas qui conduirait vers les portes obstinément closes sur des drames et sur des morts ?
Parce que vous savez que l'attente est puissante, que la souffrance est immense, osez retrouver le geste de la fermière aux cheveux noués d'un foulard, aux vêtements couverts de la poussière de la terre fertile, le geste qui, silencieusement apportait à la malheureuse en pleurs, les grains dorés, lourds et chauds qui étaient l'offrande de vie comme ils étaient l'offrande d'amour.

Vous ne pouvez pas, enfants, offrir les grains, cadeau de la terre ; mais dans vos greniers secrets, combien de trésors cachés, jalousement préservés, réservés à votre seul usage !… Combien de richesses soigneusement fermées et conservées !…
Alors, puisez largement dans vos cœurs, enfants, ouvrez toutes grandes les portes de ces réserves secrètes.
Appelez la foule des détresses et des souffrances, faites approcher les malheureux qui pleurent et qui attendent, qui espèrent en silence, qui courbent la tête dans la honte de leur iniquité et qui n'osent lever vers vous ces visages barbouillés par des larmes qui ont trop coulé sur ces visages trop longtemps souillés par la poussière soulevée par des pas difficiles sur un chemin d'épreuves douloureux et amer…
Laissez-les entrer ces perdus de la vie, enfants, laissez-les pénétrer dans vos demeures closes et douillettes, confortables et sécurisantes ; enfants, ne fermez pas le lourd ventail de vos portes devant cette horde qui avance, écrasée par de trop lourds problèmes, et qui, silencieuse et muette, lève la tête et regarde, yeux écarquillés, bouches tordues de souffrance silencieuse et scellées, cœurs battant pourtant d'un espoir immense bien que déchirés par l'ultime solution envisagée.
Appelez-les d'un geste large, enfants, ces détresses perdues et écrasantes, ouvrez-leur votre intimité, l'intimité de vos vies pleines d'amour, de tendresse et d'attention…
Dépensez-vous sans compter : donnez l'eau qui désaltérera, à l'un, le pain qui apaisera la faim, à l'autre… Que vos mains soient douces pour nettoyer les plaies, caresser les fronts enfiévrés, essuyer les larmes qui coulent, détendre, dans une caresse attentive et douce, les muscles tendus, contractés, trop souvent blessés, apaiser, ralentir les battements de cœurs qui ne peuvent battre et s'exprimer qu'au rythme des drames, des déceptions, et au rythme douloureux du constat de vies où tout était trop obscur et trop sombre.

Nous essayons de contenir nos paroles, car, savez-vous, enfants, que les âniers prenaient patience avec ces attelages têtus et obstinés, car, quelquefois, la violence du geste ou la violence du mot peut entraîner la réaction brutale d'esprits trop limités, dans une volonté puissante de se garder et de s'abstraire ?…
Aussi, souvenez-vous de ce mot… « aider »
Ah ! la magie de ce mot si court !
Aider !…
donner l'élément principal de sa vie, de son âme, de son être… Aller au-devant de l'attente, de l'angoisse, au-devant de l'espoir…
Prendre au plus profond de ses éléments de vie pour étoffer les vies chancelantes et défaillantes…
Aider…
tendre la main pour porter et soulager,
tendre la main pour offrir et donner,
tendre la main pour apaiser et calmer,
tendre la main pour entourer et garder…
Aider…
aider, toujours aider, sortir des limites étriquées de sa vie, faire exploser les barrières de défense sécurisantes que l'on avait construites autour de son être, autour de ses jours, autour de son "moi"…
Aider…
avancer sur le chemin difficile rempli de pierres et d'ornières, avancer pour aider, au mépris de cette eau glacée qui gicle sur vos chairs, au mépris de ce soleil écrasant qui détruit votre vigueur…
Aider…
savoir sans regrets quitter la tiédeur de son nid, le confort de son lit, le bonheur de sa vie, pour bondir vers les lieux déshérités où les drames se jouent, où l'obscurité règne et où l'attente ne peut que s'éteindre car nulle voix n'appelle en réponse à un autre appel au secours.
Aider…
savoir laisser sa maison et sa vie pour ouvrir la porte de l'autre demeure où l'on pourra enfin faire renaître l'espoir.

Aider…
aider, comprendre, s'abstraire, aimer…
Car, sans cet amour, enfants, pouvez-vous aider ?

Aider, c'est savoir partager avec l'autre, donner à l'autre, offrir à l'autre, mais ne jamais tendre la main pour reprendre ce qui a été offert, ne jamais exiger en retour…
Aider, c'est savoir appeler à son aide les êtres de même valeur que soi pour, dans un bloc puissant, faire face à ce spectre douloureux et sombre, hideux et horrible de la souffrance et du drame.
Aider, c'est déjà savoir accepter l'autre,
comprendre l'autre, aimer l'autre…
Avez-vous, un jour, enfants, su ce qu'était qu'aider ?
Aider, c'est ne pas chercher l'excuse qui va vous déculpabiliser d'un geste d'erreur, c'est aller plus loin dans sa propre analyse, pour qu'ensuite, libérés de tout, vous puissiez donner ce que l'autre espère et attend.
Aider, c'est vouloir toujours davantage de soi pour pouvoir le diriger ensuite vers l'autre.
Mais savez-vous seulement vous aider vous-mêmes ?…
Vous attendez vous-mêmes l'aide de ceux qui doivent vous la donner, vous attendez l'aide espérée pour aplanir les difficultés de vos jours, arrondir les angles trop pointus de vos vies…
Vous qui voulez être aidés, enfants, que ne savez-vous, à votre tour, faire face à votre destin d'immobilisme pour le secouer avec l'énergie farouche de la volonté d'aider.
Aider, n'était-ce pas, enfants, ce que prônait le Maître dans des élans d'amour ?…
N'a-t-Il pas enseigné aux "Douze" ce geste d'aide qu'Il leur a demandé de dispenser largement aux quatre coins d'une Terre désolée ?
N'est-ce pas ce que vous demande ce Dieu de Lumière et d'Amour…
aide et assistance à autrui,
aide et amour pour autrui,
aide et compréhension pour autrui,
aide et tolérance pour autrui ?…
Aider… construire une forteresse d'éléments solides, construire un Monde d'éléments de Lumière, de pureté et de joie, afin que cette forteresse élaborée solidement, puisse un jour, ouvrir toutes grandes ses portes pour accueillir les perdus, les désespérés, les désemparés, les êtres chancelants, les êtres écrasés…
Alors, enfants, parce que pour aider vous aurez su construire ce Monde de lumière et de joie, vous serez devenus les réceptacles de force de ces éléments d'aide que vous avait apporté, que vous apporte et que vous apportera encore ce Dieu attentif et vigilant, qui Lui, n'a jamais cessé, ne cessera jamais de vous aider dans un geste large qui dispensera son amour et sa paix.

Osez continuer à avancer sur ce chemin sur les bords duquel ont été plantées par des mains attentives, des pancartes que vos yeux éperdus pourront lire lorsque vos pas vous feront avancer le long de cette route, et si vos cœurs sont souvent trop lourds et trop chargés de honte, si votre tête tend à s'incliner sous le poids de regrets trop lourds, souvenez-vous, enfants, que, près de vous, des Guides attentifs et aimants ont accepté de vous aider sur ce chemin de la vie, sur ce chemin de votre destin, qui devrait en toute logique et en tout exemple, vous conduire à ce même geste d'attention pour l'autre, dans le même amour.
Alors, enfants, conscients de cet amour offert et dispense largement au fil du temps, sans cesse, éternellement, acceptez de secouer cette honte qui vous accable, et courageusement, en vous redressant, relevez la tête, puis, ayant respiré très fort pour vous régénérer à un air de pureté et de suavité, prenez le courage d'avancer un pied pour commencer ce long chemin d'assistance et d'amour.

Lisez-les ces panneaux que nos mains ont plantés en bordure de ce chemin, et si vos yeux mouillés de larmes ne commencent à apercevoir que des mots difficiles, les mots :
orgueil… violence…
lâcheté… indifférence…
immobilisme… nonchalance…
mauvaise foi… mensonge…
ces mots qui, lourdement, vont scander votre avance difficile et craintive, osez continuer d'un pas plus affermi car ces mots -dans le remords exprimé et dans la volonté puissante de vous nettoyer, de vous transformer, de vous grandir, de vous sublimer, de vous transcender- ces mots seront très vite remplacés par les mots :
humilité… douceur… tendresse… compréhension… travail… évolution… perfectionnement…
puis, plus loin :
Lumière… évolution,
tendresse… évolution,
amour… évolution,
aide… évolution,
compréhension… évolution,
pureté, grandeur… évolution…
Relisez-les, enfants, ces panneaux qui ont accompagné vos pas, et si d'aventure votre tête se tourne pour contempler les poteaux plantés dans une terre desséchée, ne soyez pas étonnés si vous apercevez dans le lointain, un ciel obscurci et sombre qui, lourdement, pèse sur une terre craquelée et dévastée :
c'était l'horizon de vos vies, c'était le plafond de vos jours !
Regardez-le attentivement ce lourd manteau de suie qui s'effiloche et pend lamentablement comme un haillon immonde, puis tournez la tête pour regarder dans le lointain l'horizon de lumière qui, débarrassé des voiles obscurs, scintille et vibre d'une puissance impalpable et fascinante, et sur ce ciel dégagé de ces nuages sombres et gris, dégagé de cette écharpe de nuit, vous verrez s'inscrire, au-dessus de ces mots que vous devrez éternellement garder en vous, vous verrez briller le visage de Dieu souriant et heureux, car en vous offrant, enfants, dans un geste de patience et d'amour, la compréhension d'un seul mot, Il vous aura enfin appris à…
aider, parce que vous aurez su… aimer.

Alors, enfants, aurez-vous encore sur vos épaules et sur vos êtres l'accablement profond de l'erreur, ou ressentirez-vous tout à coup comme une joie immense qui pénétrera ces cœurs où Dieu, définitivement présent, pourra irradier la chaleur de son amour et de sa paix ?…

Oui, enfants, il est long le chemin de l'erreur à la vérité, de l'indifférence aux gestes d'amour, mais parce que vous aurez su franchir ces étapes difficiles, vous pourrez un jour, entourés de ceux que, justement, cet amour vous aura permis d'aider, vous pourrez lancer vers ce Dieu éternellement présent et vivant le cri de votre joie ; et parce que vous aurez compris, parce que vous aurez admis, parce que vous aurez aimé, parce que vous aurez aidé, vous serez, enfants chéris, devenus suffisamment nets, propres et purs, pour pouvoir chanter sa Gloire.

Regardez, enfants très chers, le paysage écrasé de chaleur d'un jour d'été…
Sur toutes choses, un soleil brûlant brille, et ses rayons puissants et chauds semblent atteindre chaque chose et chaque être comme pour les percer d'une langue de feu.
La terre immobile et silencieuse s'offre à la chaleur venue du fond de l'horizon, et les moissons bercées doucement par une brise hélas trop chaude, ondulent et ondoient, mirage d'or posé comme une coulée offerte sur la terre brune et immobile…
Dans les étables, les troupeaux écrasés restent immobiles et les maisons aux volets clos semblent vouloir préserver jalousement la fraîcheur établie, comme pour être seules à profiter de cet élément d'apaisement et de paix.
Tout semble dormir et tout semble écrasé…
Tableau immobile, pesant, alourdi de chaleur, de soleil et de feu… Tout dort…
Le voyageur harassé traîne son corps trop lourd sur des chemins poussiéreux et difficiles, et il espère le coin de repos et de fraîcheur qui pourra apaiser sa peine et la brûlure de son front.

Mais n'entendez-vous pas, enfants, les notes cristallines du ruisseau qui, au loin, dans un coin de ce paysage assoupi, tintent clair, sous les verts feuillages ?
Approchez-vous à pas pressés de cette eau qui coule et court, bondit et cascade…
Pénétrez sous le couvert de ces bois…
Oh ! le miracle de l'eau vivifiante et fraîche qui, en gerbes cascadantes, apporte l'apaisement à la brûlure des corps et à la chaleur d'une atmosphère trop alourdie et trop brûlante !
Oh ! le miracle de l'eau vive, enfants, où le voyageur harassé pourra puiser dans la coupe de ses mains, pour dépoussiérer son visage enfiévré et brûlant, rafraîchir sa bouche desséchée aux lèvres craquelées, et renaître à la vie en sentant cette eau purifiante et douce couler le long de sa gorge brûlante d'efforts et de soleil.

Oh ! le miracle de l'eau vive !…

Souvenez-vous, enfants, de la cascade fraîche… et si, en ouvrant votre porte, vous avez sous les yeux le spectacle du voyageur qui, trop lourdement chargé, se traîne sur une route trop sèche et trop brûlante, courez vite pour puiser dans la fraîcheur de la cascade et n'attendez pas que son pas trop difficile l'amène jusqu'à vous.
Partez dans un élan puissant pour offrir dans la coupe de vos deux mains tendues, l'eau fraîche et limpide, l'eau pleine de promesses de vie, l'eau qui pourra apaiser la souffrance de son corps.Et parce que des êtres menacés et blessés, parce que des êtres écrasés et perdus ont lancé vers nous cet appel à l'aide, nous avons franchi les distances de vos gouffres pour essayer de graver et ciseler dans l'écorce de vos vies les mots : « aimer » et… « aider » afin qu'ils soient vos compagnons sur ce chemin qui vous conduira un jour, en toute humilité, en tout bonheur, en toute pureté, vers Dieu et vers sa Gloire…


archange Raphaël
médium : marcelle olivério
Quand le Ciel parle…