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Arthur - Est-ce que les anges peuvent se transporter
d'un lieu à un autre ?
L'abbé - Dans l'univers, Arthur, tout
n'est-il pas en mouvement ? D'ailleurs, les saintes lettres
nous représentent à chaque page les anges
se transportant d'un lieu dans un autre pour remplir différents
ministères.
Il serait facile de vous rapporter mille pages des livres
saints qui nous montrent les anges se mouvant localement.
Exempts de toute enveloppe grossière, les anges n'ont
ni chair, ni os ; le transport leur est donc beaucoup plus
facile qu'à nous, qui trouvons, dans nos organes
mêmes, un obstacle à la célérité
de nos mouvements.
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Si les vents courent avec tant de vitesse, si la lumière
se propage avec une si étonnante rapidité,
si les courants électriques franchissent des distances
fort éloignées dans un clin d'il, quelle
n'est pas l'agilité d'un Esprit dont rien ne ralentit
l'essor ?
Evidemment
elle doit être prompte comme la pensée.
Il faudrait ne rien entendre aux choses de l'esprit pour
s'en former une autre idée. Ainsi les anges surpassent
en vitesse et l'air, et la lumière, et la foudre
; et la célérité de leur mouvement
est celle de leur volonté. Pour se transporter d'une
distance à une autre, d'un royaume à un royaume,
d'un pôle au pôle opposé, il leur suffit
du temps nécessaire pour vouloir.
Léon - Si les anges vont et viennent,
montent et descendent, ce n'est pas sans but ; il faut donc
aussi leur reconnaître une puissance d'action.
L'abbé - Il est nécessaire,
Léon, d'attribuer aux anges la faculté de
causalité. J'appelle ainsi cette force par laquelle
un être peut devenir cause et agent de certains effets.
Que les Esprits invisibles possèdent une telle faculté
dans leur nature, la saine philosophie, comme la foi, ne
nous permet pas d'en douter.
Dites-moi, Léon, pouvez-vous concevoir une nature
vivante sans activité ?
Léon - Assurément non.
L'abbé - L'activité ne tend-elle
pas à l'action ? Et l'action ne tend-elle pas à
produire des effets ?
Léon - C'est de toute évidence
: agir c'est faire, et faire c'est produire quelque chose.
L'abbé - Eh bien, Léon, les
anges sont les natures les plus élevées :
donc aussi ils sont les activités les plus puissantes
; et rien ici-bas ne doit être comparable à
leur faculté
Léon - Tout ce que vous me dites là
me paraît incontestable.
L'abbé - D'ailleurs, Léon, tout
est actif dans l'univers ; pas un être dans le monde
qui n'exerce une action sur un autre être : et plus
une existence s'élève dans la chaîne
des créatures, plus s'agrandit la sphère de
son activité, et se fortifie sa puissance d'action
; en sorte que nous voyons chaque nature agir sur toutes
celles qui sont inférieures. L'Homme, parce qu'il
occupe le plus haut rang dans le monde visible, exerce une
influence efficace sur tous les êtres qui le composent.
Il agit sur la terre, sur les minéraux, les végétaux,
les animaux. Les éléments qui lui sont soumis
: les eaux, les mers, les airs, la vapeur et le feu lui
obéissent ; la foudre même se laisse diriger
par sa main.
Les êtres les plus parfaits seraient-ils donc seuls
privés d'une telle faculté ? Cette loi d'activité
universelle et graduée -qui est la loi de toutes
les créatures élevées- ne doit-elle
pas se reproduire au-dessus de nous dans les hiérarchies
angéliques ? Non mes amis, nous ne pouvons pas refuser
aux Esprits la faculté d'être cause. Comme
l'Homme peut agir sur les êtres inférieurs
à lui, les anges auront l'univers pour sphère
de leurs opérations.
Les saintes lettres nous enseignent clairement cette puissance
des Esprits angéliques. (Saint Paul, épître
aux Ephésiens, ch.1, 21) les appelle Vertus, Principautés,
Puissances, Dominations ; ces noms n'indiquent-ils pas,
en eux, la faculté d'agir sur les choses de ce monde
?
Dans les Actes des apôtres, vous lisez, ch. v, 19,
qu'un ange vint pendant la nuit ouvrir la porte de la prison
où les apôtres étaient renfermés,
et les mit en liberté.
Dans le même livre, ch.12, 6, on lit : « Pierre
était cette nuit-là dormant entre deux soldats,
lié d'une double chaîne, et des sentinelles
gardaient l'entrée de la prison. Et voilà
que l'ange du Seigneur se trouva là, et une lumière
resplendit dans cette demeure ; et frappant Pierre au côté,
il le réveilla disant : Hâte-toi de te lever.
Et les chaînes lui tombèrent des mains. Mais
l'ange lui dit : Ceins-toi, et prends tes chaussures. Et
il fit ainsi. Et il lui dit : Revêts-toi de tes habits,
et suis-moi. Et sortant, il le suivait, ignorant la réalité
de ce qui se faisait par l'ange ; car il croyait que ce
n'était qu'une vision.
Passant la première et la seconde garde, ils arrivèrent
à la porte de fer qui mène à la cité,
et elle s'ouvrit d'elle-même
L'ange disparut,
et Pierre revenu à lui s'écria : Maintenant
je sais vraiment que Dieu m'a envoyé son ange, et
m'a arraché des mains d'Hérode. »
Rappelez
encore à votre mémoire ces anges qui vinrent
à Sodome et firent tomber le feu du ciel sur cette
ville célèbre par ses infamies. Ces exemples
doivent suffirent pour vous montrer que les Esprits supérieurs
ont le pouvoir d'exercer une action sur ce monde.
Léon - Quel genre d'action peuvent-ils
exercer ? C'est là ce que je serais curieux de savoir.
L'abbé - Je ne veux pas vous dire encore
quelles actions ils exercent effectivement sur les choses
de ce monde visible, mais seulement ce qu'il est en leur
pouvoir d'opérer, sans examiner s'ils font ou ne
font pas ce qu'ils peuvent faire.
Léon - Eh bien ! Soit. Quelle est donc
l'étendue de leur faculté d'action ?
L'abbé - Saint Augustin, dans un texte
que je vais vous citer nous en donne une idée générale.
Voici ce qu'il dit dans les narrations sur le ps. 77 :
« Quand à cette matière corporelle
des éléments visibles, je pense que les anges
bons et mauvais peuvent s'en servir selon le degré
de leur puissance, de même que les Hommes bons et
méchants s'en servent autant qu'ils le peuvent dans
leur infirmité. Mais le pouvoir des anges bons et
mauvais est bien autrement grand. »
Ainsi, selon saint Augustin :
1- Les anges ont sur ce monde
une puissance d'action supérieure à celle
de l'Homme.
2- Ils peuvent dès
lors tout ce que peut l'Homme et au-delà.
3- Ils peuvent, plus aisément
que lui, disposer de tous les éléments de
la nature matérielle.
Ils
peuvent agiter tant de choses dans le monde qu'ils pourraient
le rendre inhabitable aux humains ; car il n'y a point de
puissance sur la Terre qu'il leur soit égales. Je
le répète, il ne s'agit ici de ce qu'ils font,
mais uniquement de ce qu'ils peuvent faire. Remarquez aussi
que tous les peuples ont toujours cru à cette puissance
des Esprits angéliques ; et partout la croyance générale
et perpétuelle aux anges se confond avec la croyance
à des intelligences bien supérieures à
l'Homme en force et en action. Les Juifs surtout, plus éclairés
par la révélation primitive, dont les autres
nations ne conservaient que des lambeaux altérés,
n'ont jamais révoqué en doute le pouvoir des
anges.
Léon - Après nous avoir donné
une idée générale du pouvoir des Esprits
angéliques, voudriez-vous nous faire le plaisir d'entrer
dans le détail, et nous dire quel genre d'actions
particulières ils pourraient opérer.
L'abbé - Vous venez d'entendre saint
Augustin nous dire que les anges peuvent disposer des éléments
matériels, comme l'Homme et mieux que l'Homme. En
effet, l'ange nous est supérieur ; ce que nous pouvons,
il le peut.
Arthur - Je comprends ce pouvoir dans l'Homme,
parce qu'il a, par ses organes matériels, un point
de contact avec les corps ; mais je ne le conçois
pas dans un Esprit purement immatériel.
L'abbé - Dites que vous ne pouvez vous
imaginer, dans l'Esprit pur, la faculté de mouvoir
les corps, je vous le permets parce qu'on n'imagine pas
ce qui est purement intellectuel ; mais ne dites pas que
vous ne pouvez le concevoir.
Léon - Mais, Arthur, si, comme l'enseigne
un grand nombre de Pères, les anges avaient un corps
aérien, n'auraient-ils aucun point de contact avec
la matière ?
L'abbé - Dites-moi, Arthur, d'où
vient le mouvement ? Voici, par exemple, des billes roulant
sur un tapis vert : qu'est-ce qui a mû cette bille
rouge ?
Arthur - Cette bille blanche ?
L'abbé - Et cette bille blanche.
Arthur - L'autre blanche ?
L'abbé - Et cette seconde blanche,
qui l'a mise en mouvement ?
Arthur - Ce morceau de bois que le joueur
tient dans la main.
L'abbé - Et ce morceau de bois ?
Arthur - Le bras du joueur.
L'abbé - Et le bras du joueur ?
Arthur - Sa volonté.
L'abbé - Et la volonté du joueur,
qui l'a mue ?
Arthur - C'est vrai, vous avez raison.
L'abbé - Comment n'avez-vous pas vu
plus tôt des choses aussi simples ? Est-ce que votre
âme, substance toute spirituelle, ne meut pas constamment
? Ce phénomène personnel devait seul vous
révéler le pouvoir qu'ont les Esprits d'imprimer
un mouvement aux corps, soit immédiatement, en leur
appliquant leur force motrice, soit médiatement en
se servant d'autres corps.
Arthur
- Mais comment l'Esprit peut-il agir sur la matière
de façon à la mouvoir ?
L'abbé - Je ne prétends pas
vous expliquer le comment, mais seulement constater l'existence
dans la nature spirituelle de la force motrice. Nous ne
pouvons pas savoir comment notre âme agit sur notre
corps ; est-il étonnant que nous ignorions comment
l'ange agit sur la matière ?
Léon - C'est un point acquis, Arthur
; ne faites donc pas de vétilleries.
Arthur - Une fois admis pour les Esprits angéliques
le pouvoir de mouvoir les corps, et je reconnais que l'on
ne peut raisonnablement pas le leur refuser, il est nécessaire
de reconnaître aussi qu'ils pourront les changer de
place, les porter ailleurs, les transporter d'un lieu à
un autre, les lancer dans l'espace, les tenir suspendus
dans les airs, etc., etc.. Et comme leur vigueur surpasse
les forces de l'Homme, ils pourront produire tous ces effets
avec une facilité, une promptitude, un mode, qui
nous paraîtraient bien prodigieux si nous en étions
témoins.
L'abbé - Et saint Thomas enseigne que
ce que peut une puissance inférieure (comme l'Homme),
une puissance supérieure (l'ange) le peut aussi,
mais d'une façon plus élevée.
Arthur - Puisque les anges peuvent mouvoir
les corps d'une façon plus éminente que les
Hommes, ils peuvent donc aussi opérer des miracles
?
L'abbé - Des miracles proprement dits,
non, ils ne le peuvent pas ; mais ils peuvent faire des
prodiges qui ne seront pas de vrais miracles.
Qu'est-ce en effet qu'un miracle ? Un fait qui déroge
aux lois ordinaires de la nature. Le miracle, par conséquent,
ne peut être opéré par des forces naturelles.
Un fait produit par les facultés naturelles des anges
a pour principes une cause toute naturelle aussi ; il ne
sort pas de l'ordre de la nature, et n'est pas une dérogation
à ces lois. Il est l'effet d'un agent naturel qui
ne le produit que par les forces de sa nature : agent supérieur
à l'Homme, il est vrai, comme l'Homme est un agent
supérieur à l'animal, mais cependant agent
qui fait partie des natures créées.
Arthur - L'ange n'est donc pas un être
surnaturel ?
L'abbé - Par la nature même,
non.
Arthur - Toutes les choses opérées
par les forces naturelles des anges ne méritent pas,
selon vous, le nom de miracles ?
L'abbé - Non, par la raison que je
viens de vous exposer. Le miracle proprement ne peut être
l'uvre que de Dieu. Puisque le miracle est un fait
qui surpasse les forces de toute nature créée,
l'être incréé tout seul à la
puissance de le produire.
Mais les anges peuvent opérer des prodiges, c'est-à-dire
des faits qui nous apparaîtront avec le caractère
du merveilleux.
Faisons une supposition : que ma main, par exemple, saisisse
un meuble et le tienne suspendu dans l'air. Il n'est là
rien d'étonnant pour vous, parce que vous voyez la
main qui soutient ce corps contre les lois de son propre
poids. Mais que ma main devienne invisible, et votre il
ne découvrant plus la cause de cette suspension d'un
corps qui se tiendra dans l'air sans soutien apparent, vous
serez frappé de stupeur ou d'admiration et vous appellerez
cela un prodige. Eh bien ! les anges peuvent mouvoir les
corps comme nous le pouvons nous-même. Si donc il
arrivait qu'ils vinssent, usant, de leur puissance, à
les mettre en mouvement, les faire tourner, les transporter
d'un lieu à un autre, les lancer dans l'espace, les
tenir suspendus en l'air, comme vous ne verriez pas la cause
de ces phénomènes, vous crieriez au prodige
; et si le bruit public vous rapportait ces événements,
sans qu'il vous eût été donné
d'en être les témoins, vous crieriez peut-être
à la jonglerie et vous vous assoiriez tranquillement
avec un sourire moqueur sur les lèvres, dans la négation
pure et simple de semblables faits.
Arthur - Comment et quels prodiges peuvent
opérer les anges ?
L'abbé - « Les puissances spirituelles
peuvent faire toutes les choses visibles qui se font en
ce monde, en employant par le mouvement local les éléments
primitifs » [saint Thomas] Ainsi tout se qui se fait
par les Hommes ou par d'autres agents, les anges peuvent
le faire : souvenez-vous-en.
Ouvrons l'Evangile de saint Luc, et lisons, ch.2, v.13 :
« Et tout à coup il advint, avec l'ange, une
multitude de la milice céleste louant Dieu et disant
: Gloire à Dieu au plus haut des cieux, et sur la
Terre, paix aux Hommes de bonne volonté. Et les anges
se retirèrent d'eux (des bergers) pour retourner
au Ciel. »
Voilà donc, Arthur des anges qui font entendre un
chant dans les airs, c'est-à-dire des sons.
D'ailleurs, puisqu'ils peuvent agir sur les corps, ils peuvent
agir sur l'air, et, par conséquent, l'agiter, lui
donner certaines vibrations, et par là même,
produire des sons de diverses sortes et des bruits de différentes
natures.
Arthur - Ils pourront donc aussi faire entendre
des paroles ?
L'abbé - Pourquoi non ? Il leur suffit
pour produire cet effet de communiquer à l'air les
vibrations convenables. Certains oiseaux peuvent bien émettre
des sons pareils : pourquoi une intelligence aussi puissante
que l'ange, qui a toute la nature matérielle à
son service, ne pourrait-elle pas mouvoir les organes d'un
animal ou frapper l'air de façon à faire entendre
des mots ?
Du reste l'Evangile est là pour nous assurer que
les Esprits angéliques ont ce pouvoir, et il nous
les montre à chaque instant conversant avec les Hommes.
Ainsi un ange parle à la mère de Dieu ; une
multitude d'anges chantent à la naissance du Messie
; un ange annonce aux bergers l'heureuse nouvelle ; un ange
parle aux apôtres, à saint Pierre ; saint Jean
entend la voix des anges, etc.
Arthur - Pourraient-ils produire des clartés
?
L'abbé - L'ange qui vint trouver saint
Pierre dans sa prison y fit luire une vive lumière,
disent les Actes des Apôtres ; et quand l'ange annonça
aux bergers de Bethléem la naissance du Fils de Dieu,
ils virent au ciel une resplendissante clarté.
Arthur - Un tel pouvoir est bien extraordinaire
!
L'abbé - Pas autant que vous le pensez.
Dites-moi, Arthur, si nous connaissions toutes les matières
qui dans la nature sont propres, soit par elles-mêmes,
soit par leurs combinaisons avec d'autres, à produire
des effets de lumière, ne pourrions-nous pas, au
moyen de certains procédés, en tirer des clartés
?
Arthur - Peuvent-ils produire des apparitions,
des images, des formes sensibles, des fantômes enfin
?
Léon - Je ne verrais, dans des faits
semblables, rien qui pût dépasser les forces
naturelles de l'ange. En physique, on nous a parlé,
vous vous en souvenez, Arthur, d'un phénomène
curieux, du mirage. Ce phénomène est produit
par des causes existantes dans la nature. Si donc les anges
connaissent ces causes et peuvent les employer, pourquoi
ne pourraient-ils pas produire des espèces de mirage,
en faisant apparaître devant nos yeux des images et
des figures ?
L'abbé - Saint Thomas dit positivement
« que rien n'empêche la vertu des anges de produire
dans la nature des effets dont les agents matériels
ne sont pas capables (Som., p.1, q.110, art.2). »
Et nous verrons plus bas saint Augustin attribuer aux Esprits
angéliques un semblable pouvoir.
D'ailleurs, ils peuvent bien revêtir des corps et
apparaître aux Hommes sous une forme humaine : pourquoi
ne pourraient-ils pas produire des fantômes, des représentations
de diverses formes ?
L'un n'est pas plus difficile que l'autre.
Arthur - Les anges, dites-vous, ont le pouvoir
de prendre des corps !
L'abbé - Je crois, Arthur, vous avoir
parlé, en commençant, des angélophanies,
c'est-à-dire des apparitions d'anges. Or, ces apparitions
attestées par les livres de l'Ancien et du Nouveau
Testament, se produisaient toujours sous une forme humaine.
L'ange qui vint pour accompagner Tobie dans son long voyage
lui apparut sous la figure d'un beau jeune homme et les
anges qui descendirent chez Loth avaient pris aussi la forme
humaine. Les saintes lettres ne nous permettent pas de douter
qu'il ne soit en leur faculté de prendre des corps.
Léon - Ne pourrait-on pas dire que
ces apparitions ne sont qu'un effet de l'imagination ?
L'abbé - Non, mon ami, ce sentiment
serait insoutenable. « Cette explication, dit saint
Thomas, répugne au sens direct de l'Ecriture. Car
une chose qui est l'effet d'une vision imaginaire n'existe
que dans l'imagination de celui qui la voit. Par conséquent,
tous les autres ne la voient pas également. Or, l'Ecriture-Sainte
nous montre les anges se manifestant de manière à
être vus en général de tout le monde.
Ainsi les anges qui apparurent à Abraham ont été
vus par lui et par toute sa famille, par Loth et les habitants
de Sodome. » Ceux-ci mêmes, vous ne l'ignorez
pas, conçurent à leur vue, ignorant qu'ils
étaient des Esprits angéliques, de honteux
projets. « De même, reprend saint Thomas, l'ange
qui apparut à Tobie était vu de tous les autres
Hommes. D'où il est évident que cette vision
était corporelle.
Arthur - Pourquoi les anges prendraient-ils
quelquefois des corps ? en auraient-ils besoin ?
L'abbé - Assurément, pour eux,
ils n'en ont nul besoin. Si donc il leur arrive quelquefois
de revêtir une forme qui leur est étrangère,
ce ne peut être que pour le bien de l'Homme, et encore
pour accomplir un ministère providentiel.
Arthur - Comment les anges peuvent-ils se
former des corps ?
Léon - Est-il nécessaire, Arthur,
de vous expliquer la manière dont ils peuvent le
faire ? Il suffit, ce me semble, d'avoir constaté
qu'ils ont cette faculté. Si maintenant nous manquons
des lumières nécessaires pour nous rendre
compte d'une opération semblable, notre ignorance
ne prouve rien contre un fait constaté.
Arthur - Mon intention n'est pas de combattre
une vérité attestée par les livres
saints ; mais tout en croyant que les anges ont la faculté
de prendre des corps, je serais curieux de savoir comment
ils peuvent le faire, s'il est possible toutefois.
Arthur - Les anges peuvent-ils agir sur l'Homme
?
L'abbé - Oui, Arthur ; ils peuvent
exercer une action sur son corps et sur son âme.
Arthur - Quoi, l'ange a la faculté
d'agir sur le corps humain ?
L'abbé - Votre surprise m'étonne.
Puisqu'ils peuvent mouvoir les corps, il est clair qu'ils
peuvent aussi mouvoir celui de l'Homme. Vous avez vu d'ailleurs,
par les textes des Saintes-Ecritures, que je vous ai rapportés
tout à l'heure, qu'ils ont plusieurs fois exercé
un tel pouvoir. Ainsi, un ange toucha Pierre au côté
et le réveilla dans sa prison. Dans les Actes des
apôtres, nous lisons que Philippe fut transporté
par un Esprit de Gaza à Azot.
De plus, ils peuvent agir sur les humeurs, sur le sang,
sur les esprits organiques de l'Homme, sur les nerfs. Car,
dit saint Thomas, « l'ange a le pouvoir de mouvoir
les corps d'un lieu à un autre. Tout ce qui peut
être l'effet de ce mouvement local est donc par là
même soumis à la puissance naturelle de l'ange.
» Selon saint Thomas donc, les anges pouvant mouvoir
les corps, possèdent par là même, la
faculté de remuer, de déplacer les humeurs
qui sont dans le corps humain. [N.d.l.r. - C'est ce que
confirment les Entités dans les centres brésiliens
de guérison spirituelle
] Et, en effet, puisqu'ils
ont le pouvoir d'agir sur les fluides, les éléments,
l'air, l'eau, le feu, etc. ils peuvent, par leur moyen,
agir aussi sur notre organisme et exercer une action réelle
sur le sang, les nerfs, etc.
Ils peuvent aussi agir sur nos sens.
« Extérieurement, ils peuvent offrir aux sens
de l'Homme, un objet sensible qu'ils prennent dans la nature
ou qu'ils forment eux-mêmes à l'instant ; ce
qu'ils font, par exemple, quand ils prennent un corps. Ils
peuvent également mettre intérieurement en
mouvement les esprits organiques et les humeurs, et par
leur moyen, modifier les sens
»
Léon - Alors, ils pourront aussi agir
sur l'imagination de l'Homme ?
L'abbé - Certainement, Léon.
Dans les songes, l'imagination est affectée. Or,
les anges révèlent quelquefois en songe à
l'Homme les ordres de Dieu, comme on le voit parce que saint
Matthieu nous raconte de l'ange qui apparut à saint
Joseph pendant qu'il dormait.
Les impressions reçues par les sens se transmettent
à l'imagination : tout agent, dès lors qui
agit sur les sens, sur les esprits organiques, agit aussi
sur l'imagination. Il faut que je vous cite encore saint
Thomas. Je ne me lasse pas de vous faire entendre cette
haute et puissante intelligence, parce qu'il a, plus que
tout autre, approfondi la matière qui nous occupe,
et l'a environnée des plus vives clartés.
Voici donc ce qu'il dit : « Il est évident
que les visions de l'imagination sont quelquefois produites
en nous par le mouvement local des Esprits et des humeurs
qui sont dans le corps humain.
[
]
La commotion des Esprits et des humeurs peut même
être si forte que ces apparitions persévèrent
dans l'état de veille, comme on le voit chez les
frénétiques et chez ceux qui sont atteints
de folie. Ainsi, ce qui arrive par la commotion naturelle
des humeurs, et quelquefois par la volonté de l'Homme
qui se représente, quand il le veut, par l'imagination,
ce qu'il a d'abord connu par les sens, peut donc être
produit par la puissance d'un bon ou d'un mauvais ange,
tantôt par une aliénation des sens corporels
et tantôt, sans cela. » [saint Thomas]
Arthur - Quoi, les Esprits invisibles peuvent
nous envoyer des songes, mouvoir notre imagination ! Cela
me donne l'explication de bien des choses
Léon - Peuvent-ils aussi nous suggérer
des pensées ?
L'abbé - Ils peuvent modifier notre
intelligence et lui fournir des pensées, de même
qu'ils peuvent exciter en nous des imaginations de diverses
sortes. Cela résulte de ce que nous venons d'établir.
Dès qu'ils peuvent agir sur le corps de l'Homme,
ils peuvent aussi agir sur son âme. Qui ne connaît
l'influence du corps sur l'âme ? Qui ne sait que mille
pensées doivent leur apparition dans l'esprit qu'à
l'action de l'organisme ?
[
]
C'est que l'organisme est l'instrument de l'Esprit
Qu'un être donc agisse sur nos sens, sur notre organisme,
sur nos fluides, il pourra, par le mouvement qu'il leur
imprimera, faire monter au cerveau, et de là, à
l'âme, bien des pensées et bien des imaginations.
Léon - J'ai déjà observé
cette influence du corps sur l'Esprit. Aussi autres sont
nos pensées dans l'état de maladie, et autres
dans la santé
L'abbé - D'ailleurs, mes amis, on ne
peut nier que tout Esprit n'ait la faculté de s'adresser
à un autre Esprit, de lui communiquer ses pensées,
ses désirs, ses sentiments. Et c'est un point généralement
admis que les intelligences angéliques insinuent
mille suggestions dans notre Esprit et dans notre cur.
Tout Esprit exerce une influence sur l'Esprit dont il s'approche,
et celui-ci se ressent de ce voisinage dans les pensées
et les sentiments qui l'animent. Qu'un ange donc s'approche
de l'Homme avec la volonté d'agir sur lui, et l'Homme
ressentira les effets de cette puissance supérieure.
Arthur - Quelle action peuvent-ils exercer
sur la volonté de l'Homme ?
L'abbé - L'Homme étant libre,
reste toujours le maître de ses actes et de ses déterminations.
L'ange ne peut donc pas produire en lui son vouloir. Mais
il peut agir par la persuasion, présenter à
l'Homme des motifs, et par là, mouvoir sa volonté
qui conserve, cependant, son libre arbitre, la puissance
d'accéder à ces motifs de persuasion, ou de
les rejeter.
Vous voyez, mes amis, quelle puissance appartient aux natures
spirituelles. Supérieures à nous par leur
essence, elles le sont encore par leurs facultés.
Leur intelligence est plus vigoureuse, leur vision plus
claire, plus élevée, plus étendue,
plus prompte et plus sûre. Leur amour est plus fort,
leur volonté plus ferme, leur mouvement plus rapide,
leur activité plus puissante ; et il n'est aucune
des choses qui se font dans le monde, qu'ils ne puissent
opérer par leur vertu naturelle en mouvant, en appliquant
les causes de manière à leur faire leurs effets
Arthur - Les anges, il faut le reconnaître,
ont reçu de Dieu, des dons bien magnifiques
L'abbé - Et je ne vous ai parlé,
Arthur, que des dons naturels de ces Esprits ; que serait-ce
si je pouvais vous dévoiler ce qu'ils sont par les
dons surnaturels de la grâce et de la gloire !
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