Chapitre VII…



 


Alan Kardec
et son époque…

 

Lente naissance d'Allan Kardec…

   
   


[…]

Bien que bon catholique, le général avait des vues très justes sur l'Au-delà. Au moment de la mort de leur fille Anne, trisomique, il dit à son épouse, effondrée, en larmes : « Pourquoi pleurez-vous, Yvonne ? Votre fille est maintenant une enfant comme les autres. » En une phrase il avait affirmé la résurrection immédiate et le fait que celui qui vient de partir continue à vivre en un corps subtil délivré de toute infirmité…
Autres traits communs entre les deux hommes : la séduction de l'intelligence supérieure ; la perfection du style de vie ; une vue panoramique et prophétique de la réalité ; désintéressement total, et honnêteté absolue.

Le Pr Rivail venait d'atteindre la cinquantaine quand son ami Fortier, avec lequel il s'était si souvent entretenu de magnétisme, lui parla pour la première fois des tables tournantes. Il ne rencontra que méfiance et ironie.

[…]

– « C'est en 1854, écrit Allan Kardec, que j'entendis parler pour la première fois des tables tournantes. Un jour, je rencontrai M. Fortier, le magnétiseur, que je connaissais depuis longtemps ; il me dit :
– « Savez-vous la singulière propriété qu'on vient de découvrir dans le magnétisme ? Il paraît que ce ne sont plus seulement les individus que l'on magnétise, mais les tables que l'on fait tourner et marcher à volonté.
– « C'est fort singulier, en effet, » répondis-je ; « mais, à la rigueur, cela ne me paraît pas radicalement impossible. Le fluide magnétique, qui est une sorte d'électricité, peut très bien agir sur les corps inertes et les faire se mouvoir. »



 En 1854, par l'intermédiaire d'un médium, peut-être le jeune Victorien Sardou lui-même -qui est en fait le vrai fondateur du spiritisme français- Eugénie interrogea l'Au-delà au sujet de la guerre que l'on sentait imminente entre la France et la Russie. Les Esprits, mal informés ou malveillants, répondirent que le conflit ne durerait que sept mois, qu'il se déroulerait en majeure partie sur le plan diplomatique et que nos pertes seraient insignifiantes.
Eugénie s'empressa de rapporter la prédiction à Napoléon III ; il y vit un encouragement, n'hésita plus à se lancer dans l'aventure et s'engagea étourdiment.

[…]

Le 25 mars 1854, les alliés déclarèrent donc la guerre au tzar Nicolas 1er. Les Esprits n'avaient pas prévu le choléra qui décima le corps expéditionnaire franco-anglais et qui emporta les deux généraux en chef. Ils avaient fait miroiter une promenade militaire : ce fut une vraie guerre bien dure et bien sanglante. Ils avaient annoncé une campagne de sept mois : elle ne prit fin qu'en octobre 1855.






– « M. Carlotti était corse, d'une nature ardente et énergique ; j'avais toujours estimé en lui les qualités qui distinguent une grande et belle âme, mais je me défiais de son exaltation. Le premier, il me parla de l'intervention des Esprits, et me raconta tant de choses surprenantes que, loin de me convaincre, il augmenta mes doutes. »
– « Vous serez un jour des nôtres ! » me dit-il.
– « Nous verrons cela plus tard… »

[…]
M. Patier, était un fonctionnaire public, d'un certain âge, homme très instruit, d'un caractère grave, froid et calme.
Son langage posé, exempt de tout enthousiasme, fit sur moi une vive impression, et quand il m'offrit d'assister aux expériences qui avaient lieu chez M. et Mme de Plaine-Maison, rue Grange-Batelière, numéro 18, j'acceptai avec empressement. Rendez-vous fut pris pour le mardi suivant à 8 heures du soir. M. et Mme de Plaine-Maison lui parlèrent de ces phénomènes dans le même sens que M. Carlotti, mais sur un tout autre ton.
Ce fut là, pour la première fois, que je fus témoin du phénomène des tables tournantes, et cela dans des conditions telles que le doute n'était pas possible. »

[…]

« Ces réunions étaient assez nombreuses ; outre les habitués, on y admettait -sans difficulté- quiconque en faisait la demande. […] Les sujets traités étaient généralement frivoles ; on s'y occupait surtout de toutes choses tenant à la vie matérielle, à l'avenir, en un mot à rien de véritablement sérieux ; la curiosité et l'amusement étaient le principal mobile des assistants.»
Il en est de même aujourd'hui : les questions posées aux esprits par l'intermédiaire des médiums se ramènent généralement à ceci : faut-il vendre cette maison ? En tirerai-je un bon prix ? Vais-je rencontrer l'homme de ma vie ? Ma situation financière va-t-elle s'améliorer ?

[…]

L'Esprit qui se manifestait d'habitude prenait le nom de Zéphir ; il était très bon et s'était déclaré le protecteur de la famille et donna constamment des preuves d'une grande sympathie.
C'est cet Esprit qui lui déclara :
– « Nous nous sommes connus dans une lointaine réincarnation. Nous étions ensemble dans les Gaules. Nous étions amis et te nommais : Allan Kardec. »






– « Un des premiers résultats de mes observations, » reprend le cartésien Kardec, « fut que les Esprits, n'étant autres que les âmes des Hommes, n'avaient ni la souveraine sagesse, ni la souveraine science ; que leur savoir était borné au degré de leur avancement et que leur opinion n'avait que la valeur d'une opinion personnelle. Cette vérité, reconnue dès le principe, me préserva du grave écueil de croire à leur infaillibilité, et m'empêcha de formuler des théories prématurées sur le dire d'un seul ou de quelques-uns. »
Cette vérité établie il y a cent cinquante ans n'est pas encore admise par tout le monde, principalement par les personnes qui reçoivent des messages de tout jeunes disparus qui, fraîchement débarqués dans le monde des esprits, n'en connaissaient pas la complexité et ne décrivent que la sphère qu'ils connaissent, ou croyaient connaître.

[…]

– « J'agissais avec les Esprits, comme je l'aurais fait avec les humains. Ils furent pour moi, des moyens de renseignements et non des révélateurs prédestinés. J'arrivais à chaque réunion avec une série de questions préparées… »



Un petit groupe d'amis se réunissaient régulièrement pour ausculter l'Au-delà : ils étaient quatre. Le plus âgé, Friedrich Tiedmann avait été professeur de zoologie et d'anatomie puis à l'Université de Heidelberg. Tiedmann était membre d'un grand nombre de sociétés savantes et de l'Institut de France. […] Autour de cet Allemand septuagénaire, il y avait Taillandier, l'éditeur Pierre-Paul Didier qui publiait les cours de la Sorbonne.
Un beau soir, un Esprit qui prétendait se nommer… Bernard Palissy, lui ordonna de se procurer un burin et une plaque de cuivre.
– « Mais, » protesta Victorien Sardou, « je ne connais rien à la chalcographie ! »
– « C'est pour cela que je t'ai choisi ! »

[…]

Entre temps, les quatre amis avaient rempli cinquante cahiers de communications.






En 1857, Victorien Sardou était au comble de la détresse : la maladie était venue s'ajouter à la misère et à l'échec.

[…]

…et avait mieux à faire que de mettre de l'ordre dans ces messages, qui contenaient certes d'excellentes choses, mais aussi beaucoup de platitudes et de répétitions.



Les quatre apportent donc, à M. Rivail, les cinquante cahiers et lui demandent d'en faire un livre. L'ancien professeur les parcourt avec un certain scepticisme, hésite et finit par refuser.
Quelques jours plus tard, il reçoit un message de l'Au-delà qui lui enjoint de se charger de cette tâche. Il revient sur sa décision et se remet au travail avec méthode. Son honnêteté, son discernement, son mental logique feront merveille : cela deviendra le « Livre des esprits ».



 

 

 

 
 
Allan Kardec et son époque…