A notre époque, la science devrait être confiée à des gens à l'âme élevée : des prophètes, des saints.
Or, elle est entre les mains de gens doués et efficaces, de joueurs d'échecs, de sportifs.
Ils ne savent pas ce qu'ils font.

Vassili Grossman

 

Science sans conscience n'est que ruine de l'âme…

Rabelais

 

 
Spirite
   

Cependant la machine s'était mise en marche car un philosophe français Denizard, Hyppolyte, Léon Rivail faisait paraître en 1857, sous le nom d'Allan Kardec, un livre remarquable : le Livre des Esprits, bible d'un nouveau genre, répertoire extraordinaire de toutes les questions, qui regroupait les enseignements dictés par des Esprits à des centaines de médiums, apportant une solution étrange et inattendue à tous les problèmes, en enseignant que l'âme est immortelle et en nous donnant la clé des mystères de l'Au-delà.
Ces communications étaient toutes identiques dans le fond malgré les différences de forme. Elles constituèrent une nouvelle doctrine sur la vie, sur la mort, sur l'âme, sur la pluralité des existences et sur l'intervention des Esprits dans le monde humain.

 

« Naître, mourir, renaître et progresser sans cesse, telle est la Loi… »

 

Mais, scandale et stupéfaction ! ce livre n'eut pas l'accueil mérité. De toutes parts, s'éleva un tollé contre celui qu'on s'empressa de considérer comme un mystificateur : revues, journaux, académies, chaires apostoliques ou évangéliques poursuivant le même but, firent bloc face à l'ennemi et l'encre commença à couler, intarissable…
Mais il était loin d'être un mystificateur, et lorsqu'on découvre la valeur doctrinale de ce livre, lorsqu'on songe à la répercussion qu'il aurait justement dû avoir dans la société par cette valeur, on se demande si ce livre a atteint le but essentiel qui lui était assigné.
C'est en effet avec un scepticisme profond que Rivail avait eu, en 1854, son premier contact avec les tables tournantes en affirmant bien haut :

« J'y croirai quand je le verrai et quand on m'aura prouvé qu'une table a un cerveau pour penser, des nerfs pour sentir et qu'elle peut devenir somnambule ; jusque-là, permettez-moi de n'y voir qu'un conte à dormir debout. »

Mais ce… conte à dormir debout devait procurer à Kardec de nombreuses heures de veille remplies par l'étude de ces phénomènes qu'il avait, dans un élan sincère, abordés en toute objectivité et sans a priori.
De cette étude et de ce travail, devait résulter ce premier livre -suivi d'ailleurs de nombreux autres- qui reste le livre de base de la doctrine spirite. Ce livre fut, comme je l'ai dit, beaucoup lu, beaucoup critiqué, mais il amena une foule de gens qui ne se trouvaient pas satisfaits des croyances religieuses, à accepter cette nouvelle doctrine qui leur semblait plus logique ; et leurs expérimentations apportèrent la preuve que les phénomènes obtenus étaient le fait d'intelligences invisibles et vivantes.
Une personnalité spirituelle de l'époque, le Pasteur Wynn, qui était sceptique à l'égard des Spirites devait reconnaître la réalité des faits et y adhérer publiquement ;
il écrivait :
« …Naguère, je croyais à la survivance par un acte de foi ; aujourd'hui, j'y crois parce que je sais qu'elle est vraie.
Mes recherches ont eu pour effet de fortifier ma croyance au Christ et à l'enseignement du Nouveau Testament.
Je comprends aujourd'hui des centaines de choses de la Bible que je ne comprenais nullement autrefois. »

Dans son livre "Le Fakirisme occidental" le Docteur Paul Gibier écrivit :
« …Le Spiritisme prend de jour en jour une telle importance par le nombre croissant de ses néophytes, qu'avant peu on sera obligé de s'occuper de lui dans les sphères officielles, tant scientifiques que politiques. Le Spiritisme est devenu une croyance, une véritable religion. »

Des journaux spirites, des revues, des périodiques s'imprimèrent dans tous les pays et ces publications augmentèrent de jour en jour.
Des penseurs, des philosophes, des hommes de science commencèrent à faire paraître des ouvrages qui constituent encore aujourd'hui des livres clés de la doctrine spirite.
Ils étaient signés de noms prestigieux :
Sir Arthur Conan Doyle, écrivain - William Crookes, physicien et chimiste, qui fut une des plus grandes intelligences du siècle - le Juge Edmonds, chef de la Cour Suprême de New-York - Alfred Richard Wallace, naturaliste - Zoëlner, astronome allemand - Aksakof, célèbre mathématicien russe, conseiller secret du Tsar Alexandre III - Schiaparelli, directeur de l'Observatoire de Milan - et plus près de nous, en France, parmi tant d'autres : Eugène Nus - le Colonel Rochas, administrateur de l'Ecole Polytechnique - le Professeur Charles Richet, physiologiste, Professeur à la Faculté de médecine - Camille Flammarion, astronome - le Docteur Encausse (plus connu sous le nom de Papus) - Gabriel Delanne - Henri Regnault - Léon Chevreuil - et surtout, Léon Denis qui fut l'apôtre du Spiritisme et publia une œuvre magistrale qui ne peut laisser personne indifférent.

En parallèle, les expérimentations -ces expérimentations que la Science considère comme supérieures à la simple observation- se poursuivaient sur un plan scientifique cette fois, et les résultats confirmaient les théories nouvelles car, ayant observé des phénomènes naturels : apports d'objets, lévitation, désagrégation de la matière, matérialisations de formes humaines, on put les photographier et l'on a pu prendre des empreintes et des moulages.


On procéda à ces expériences en préparant deux vases, l'un avec de l'eau froide, l'autre avec de l'eau très chaude à la surface de laquelle on versait une couche de cire fondue, et l'on demanda aux entités qui se manifestaient souvent en matérialisant une main ou un bras de les plonger d'abord dans la cire en fusion puis dans l'eau froide et de répéter ce geste plusieurs fois de façon à envelopper le membre d'un gant de cire épais ; puis on demanda à l'entité de se retirer.
Lorsque le membre matérialisé se retirait, on conservait un moule parfait que l'on utilisait pour faire des moulages en plâtre ; et le moule fondu dans l'eau bouillante, on obtenait des moulages ayant exactement la forme du corps qui s'était matérialisé, apportant la preuve tangible du phénomène de matérialisation.
On obtint même l'empreinte d'un visage dans la cire.
On provoqua alors de semblables expériences en laboratoire. Ces observations se firent dans de rigoureuses conditions : mesures des déplacements d'objets, pesées des matérialisations ectoplasmiques avec, bien sûr, pesée des médiums avant et après l'expérience, moulages dans du plâtre ou de la paraffine de mains ou de pieds, moulages que les entités laissaient également intactes, photographies des formes qui se matérialisaient, ces photographies faisant là encore apparaître distinctement ce que l'œil ne pouvait percevoir : les vibrations matérialisées de défunts dont les silhouettes apparaissaient, souvent parfaitement reconnaissables.
La Science avait bien sûr le droit -voire le devoir- de contrôler ces manifestations, mais elle ne le fit pas toujours dans le désir sincère et objectif de la vérité, elle le fit souvent avec une certaine animosité et un certain parti pris, et ces investigations furent insuffisantes car elles s'arrêtaient à l'observation des manifestations sans recherche de la cause et sans essayer d'en déduire les conséquences morales. C'est pourquoi, rien ne réussit à attirer l'attention de la Science officielle qui se ferma rigoureusement ; d'où ces conclusions :

« …On voudrait coucher le Spiritisme dans le lit étroit de la science officielle… La science n'est que l'ensemble des conceptions d'un siècle que la science du siècle suivant dépasse et submerge. Tout en elle est provisoire et incomplet. Elle étudie les lois des mouvements, les manifestations de la force et de la vie ; cependant, elle ne sait rien des causes agissantes, rien de la force et du mouvement en leur principe ; le problème de la vie lui échappe et l'essence des choses reste pour elle un mystère impénétrable…
…Les savants officiels, habitués aux expériences positives, opérant sur des instruments de précision et se basant sur des calculs mathématiques réussissent moins facilement et se lassent trop vite en présence du caractère fugace des phénomènes. Les causes multiples en action dans ce domaine, l'impossibilité de reproduire les faits à volonté, les incertitudes, les déceptions les déroutent et les rebutent, mais ceux qui ont procédé avec persévérance et impartialité ont pu constater la réalité des manifestations des défunts ; mais lorsqu'ils publiaient les résultats, ils ne rencontraient souvent qu'incrédulité, indifférence ou persiflage… »

Ce n'est qu'au bout de cinquante ans, en 1919, que des savants connus par leur valeur et leur sérieux, fondèrent un Institut Métapsychique International -qui fut reconnu d'utilité publique- chargé entre autres « de rechercher la part de réalité objective et la part d'interprétation subjective dans les faits décrits sous le nom de suggestion mentale, télépathie, lévitation, médiumnité, car, si les faits en question méritent d'entrer dans le domaine scientifique, il y a un intérêt de premier ordre à ce qu'ils soient étudiés. »

Sous la direction du Docteur Geley on y centralisa tous les phénomènes d'ordre psychique qui se produisaient dans le monde entier. Les membres de ce groupe portaient des noms illustres et respectés : Sully Prudhomme, de l'Académie française, Président - d'Arsonval, Membre de l'Académie des Sciences et de l'Académie de Médecine, Professeur au Collège de France - Bergson, Membre de l'Académie des Sciences morales et politiques, Professeur au Collège de France - Branly, Professeur de physique à l'Institut Catholique - Brissaud, Professeur à la Faculté de Médecine - Duclaux, Membre de l'Académie des Sciences, Membre de l'Académie de Médecine, Directeur de l'Institut Pasteur - Marey, Membre de l'Académie des Sciences, Membre de l'Académie de Médecine, Professeur au Collège de France - Weiss, Agrégé de la Faculté de Médecine - Charles Richet, Professeur à l'Institut de France - Camille Flammarion - Comte de Gramont, de l'Institut de France - le Professeur R. Santoliquido, député, conseiller d'état d'Italie.

Dans "Les Annales des Sciences Psychiques" de janvier 1905, le Professeur Ch. Richet, juge compétent, faisait ressortir avec vigueur les erreurs et les faiblesses de la science officielle :
« …Et pourtant, nous sommes entourés de forces inconnues, mais vives et créatrices. Une sève nouvelle coule à pleins bords dans la nature qui, dans tout l'appareil de sa puissance, ne cherche plus à se soustraire à notre ardente curiosité. Le voile d'Isis s'est déchiré. Les mystères se succèdent, s'enchaînent, s'expliquent les uns par les autres.
Le pressentiment d'hier est devenu la certitude d'aujourd'hui.

De nouvelles lois viennent élargir le champ des hypothèses : La matière semble palpiter et s'agite ;
la pesanteur abdique dans la lévitation ;
l’impénétrabilité cède et se récuse.
Certaines lois, intangibles jusqu'à ce jour, sont violées par de mystérieuses énergies qui défient nos balances, se rient de nos dynamomètres et déconcertent nos sens d'observation…

Les Esprits se manifestent, se matérialisent en plein cénacles scientifiques et devant les plus clairvoyants expérimentateurs qui soient au monde. Ils posent devant les photographes, se moulent dans la paraffine, nous touchent de leurs mains vivantes, se promènent au milieu de nous, nous parlent, nous conseillent et, dans certaines communications dont nous avons l'impression intime, nous dirigent, nous inspirent, nous consolent et du doigt nous montrent le Ciel où ils nous attendent, pour partager avec nous leur glorieuse destinée.

Et c'est de tous les points du Monde que nous arrivent leurs révélations, concordantes et convergentes… »

Et reconnaissant qu'en matière de psychisme, le bon sens semblait faire défaut à beaucoup de savants, le Professeur Flournoy faisait l'aveu suivant :
« Pour toute l'humanité des anciens âges, actuellement encore pour sa grande masse, c'est l'hypothèse spirite qui est la seule vraiment conforme au bon sens le plus élémentaire ;
tandis que pour nous, nourrissons de la science, gavés du mécanisme naturaliste depuis les bancs du collège, cette même hypothèse révolte jusqu'en son tréfonds notre bon sens… »

Pour sa part, Léon Denis écrivait :
« …Le public attend beaucoup des savants qui dirigent cet Institut car il s'agit de la plus haute question qui ait jamais préoccupé la pensée humaine : le problème de la destinée.
L'Humanité lasse du dogmatisme religieux, tourmentée du besoin de savoir, tourne ses regards vers la Science ;
elle attend d'elle le verdict définitif qui lui permettra d'orienter ses actes, de fixer ses opinions, ses croyances.
Les responsabilités des savants sont lourdes. En sentent-ils tout le poids et en mesurent-ils toute l'étendue ?… Sauront-ils faire le sacrifice de leurs petits amours-propres et revenir sur des affirmations prématurées ? Auront-ils l'esprit assez libre et l'âme assez haute pour placer la vérité au-dessus de toutes considérations d'école ou d'intérêt personnel ?… »

Dans les Centres médiumniques, les participants constataient chaque jour l'existence des forces invisibles, et la masse de preuves et de témoignages était si importante que le doute n'était plus permis.
Le Professeur Challis de l'Université de Cambridge, spirite convaincu, écrivait :
« Les attestations sont si abondantes et si parfaites, les témoignages sont venus de tant de sources indépendantes les unes des autres et d'un nombre si énorme de témoins qu'il faut ou admettre les manifestations telles qu'on les représente ou renoncer à la possibilité de certifier quelque fait que ce soit par une déposition humaine. »

En même temps, parce qu'il se dégageait des études entreprises un nombre si important de preuves et de faits qu'il n'était plus permis à "un ami du vrai" de rester indifférent ou silencieux, l'aréopage des savants de l'Institut Psychique International s'occupait de savoir -le temps des ironies faciles étant dépassé- ce qu'il pouvait y avoir de vrai dans cette croyance à des manifestations posthumes qui avait ressurgi du fonds des temps pour revivre. En effet, aussi loin que l'on remonte dans l'Histoire, on retrouve cette conviction dans la survivance et l'homme a toujours eu le sentiment que son être spirituel n'était pas anéanti par la mort.

Nous retrouvons des faits de ce genre relatés dans les textes des auteurs anciens les plus sérieux : Homère, Ovide, Plutarque, Pline le Jeune, Cicéron, Suétone.
Socrate et Platon ont été deux précurseurs de l'idée chrétienne du Spiritisme.

Ils disaient :
« L'homme est une âme incarnée.
Avant son incarnation elle existait unie aux types primordiaux, aux idées du vrai, du bien et du beau, elle s'en sépare en s'incarnant et, se rappelant son passé, elle est plus ou moins tourmentée par le désir d'y revenir… »

Ils disaient aussi :
« …Tant que nous aurons notre corps et que l'âme se trouvera plongée dans cette corruption, jamais nous ne posséderons l'objet de nos désirs : la vérité.
En effet, le corps nous suscite mille obstacles par la nécessité où nous sommes d'en prendre soin ; de plus, il nous remplit de désirs et d'appétits, de craintes, de mille chimères, de mille sottises, de manière qu'avec lui il est impossible d'être sage un instant.
Mais s'il est impossible de ne rien connaître purement pendant que l'âme est unie au corps, il faut, de deux choses l'une, ou que l'on ne connaisse jamais la vérité ou qu'on la connaisse après la mort… »

Ils disaient enfin :
« …Après notre mort, le génie qui nous avait été assigné pendant notre vie nous mène dans un lieu où se réunissent tous ceux qui doivent être conduits dans le Hadès -lieu souterrain où règne Pluton, Dieu des Enfers, séjour des Morts- pour y être jugés. Les âmes, après avoir séjourné dans le Hadès le temps nécessaire sont ramenées à cette vie dans de nombreuses et longues périodes… »
A ses juges qui le condamnaient, Socrate disait :
« De deux choses l'une, ou la mort est une destruction absolue ou elle est le passage d'une âme dans un autre lieu. Si tout doit s'éteindre, la mort sera comme une de ces nuits que nous passons sans rêve et sans aucune conscience de nous-mêmes. Mais si la mort n'est qu'un changement de séjour, le passage dans un lieu où les morts doivent se réunir, quel bonheur d'y rencontrer ceux qu'on a connus.
Mon plus grand plaisir serait d'examiner de près les habitants de ce séjour et d'y distinguer, comme ici, ceux qui sont sages de ceux qui croient l'être et qui ne le sont pas.

Mais il est temps de nous quitter… »

 

 

 

 

   

 

Si les charlatans de toutes les couleurs sont agaçants avec leurs coups de grosse caisse, il faut convenir que Messieurs les savants ne le sont pas moins avec l'éteignoir qu'ils prétendent poser sur tout ce qui luit en dehors des flambeaux officiels.

Henry de Pène

 

 

 
Le pourquoi de la vie…