Il est plus facile de nier les choses que de se renseigner à leur sujet.

Mariano José de Larra




 

 

 
 

Spirite

Le pourquoi de la vie…

   

Sur le vaste théâtre du monde, la souffrance règne et le trouble et l'angoisse habitent chaque être dans l'anxiété de l'issue.
Les hommes vont, souvent dans l'incompréhension, sur le chemin difficile qui les mène à l'inconnu, et des questions fusent :
« S'il y avait un Dieu, me laisserait-il souffrir ainsi ?…
Donc Dieu n'existe pas, ou s'il existe, Il est cruel pour moi et je Le hais…
Avais-je demandé à naître pour subir une telle vie de souffrances ?…
Je n'en sais rien, mais si, après la mort, il y a encore l'Enfer ou le Purgatoire qui attend mon âme pour la moindre peccadille, puis-je admettre que Dieu est bon et juste ?… »

Et parce que la vie leur semble une lutte perpétuelle, insoutenable, trop d'entre eux recherchent la force d'accepter cette vie dans des artifices divers : musique, griserie de la vitesse et de la puissance grondante des motos ou des voitures, sexe, alcool, puis, plus gravement, drogue.
Ces recherches les conduisent presque fatalement, dans une escalade effrénée mais vaine, à s'échapper de l'existence par le suicide, ou à fuir le contexte social dans des communautés ou des sectes qui, ils le croient, leur offriront un idéal nouveau auquel, sécurisés, ils pourront s'accrocher pour assumer leurs jours.
Le matérialisme triomphe et attise le feu des passions, des désirs, des appétits, des jouissances ; on désire jouir le plus possible sans souci de l'échéance ultérieure. On se bat pour des royautés éphémères : la gloire, la célébrité, la richesse, car on souhaite s'enrichir au plus tôt et trop souvent par n'importe quel moyen.
Combat éternel, identique à travers le temps…
A quelle époque s'applique ce passage d'un texte écrit en 1862 ?… Au dix-neuvième siècle ou à notre époque ?…

« L‘homme placé au centre de cette vie, s‘en préoccupe comme si elle devait durer toujours. Tout prend pour lui des proportions colossales : la moindre pierre qui le heurte lui semble un rocher ; une déception le désespère ; un revers l‘abat ; un mot le met en fureur. Sa vue bornée au présent, à ce qui le touche immédiatement, lui exagère l‘importance des plus petits incidents : une affaire manquée lui ôte l‘appétit ; une question de préséance est une affaire d'Etat ; un passe-droit le met hors de lui. Parvenir est le but de tous ses efforts, l‘objet de toutes ses combinaisons.

Mais pour la plupart, qu‘est-ce que parvenir ?
Est-ce, si l‘on n‘a pas de quoi vivre, se créer, par des moyens honnêtes, une existence tranquille ? Est-ce le désir de laisser après soi un nom justement honoré pour sa valeur, et d‘accomplir des travaux utiles pour l‘Humanité ?
Non ; parvenir, c‘est supplanter son voisin, c‘est l‘éclipser, c‘est l‘écarter, le renverser même, pour se mettre à sa place ; et pour ce beau triomphe, dont la mort ne le laissera peut-être pas jouir vingt-quatre heures, que de soucis, que de tribulations !
Que de génie même, dépensé quelquefois, qui eût pu être plus utilement employé ! Puis, que de rage, que d‘insomnies si l‘on ne réussit pas ! quelle fièvre de jalousie cause le succès d'un rival ! Alors, on s‘en prend à sa mauvaise étoile, à son sort, à sa chance fatale, tandis que la mauvaise étoile est le plus souvent la maladresse et l‘incapacité. On dirait vraiment que l‘homme prend à tâche de rendre aussi pénibles que possible les quelques instants qu‘il doit passer sur la Terre et dont il n‘est pas le maître, puisqu‘il n‘est jamais assuré du lendemain.

Pourtant, combien toutes ces choses changent de face quand, par la pensée, l‘homme sort de l‘étroite vallée de la vie terrestre et s‘élève dans la radieuse, splendide et incommensurable vie d‘outre-tombe ! Combien alors il prend en pitié les tourments qu'il se créait à plaisir ! Combien alors lui paraissent mesquines et puériles les ambitions, les jalousies, les susceptibilités, les vaines satisfactions de l‘orgueil !
Il lui semble, de l‘âge mûr, considérer les jeux de l‘enfance ; du sommet d‘une montagne, considérer les hommes dans la vallée.

Et partant alors de ce point de vue, se rend-il volontairement le jouet d‘une illusion ?
Non ; il est au contraire dans la réalité, dans le vrai, et l‘illusion, pour lui, c‘est lorsqu‘il voit les choses du point de vue terrestre. En effet, il n‘est personne sur la Terre qui n‘attache plus d‘importance à ce qui, pour lui, doit durer longtemps qu‘à ce qui ne doit durer qu‘un jour ; qui ne préfère un bonheur durable à un bonheur éphémère ?
On s‘inquiète peu d‘un désagrément passager ; ce qui intéresse par-dessus tout, c‘est la situation normale. Si donc on élève sa pensée de manière à embrasser la vie de l‘âme, on arrive forcément à cette conséquence qu‘on y aperçoit la vie terrestre comme une station momentanée ; que la vie spirituelle est la vie réelle, parce qu‘elle est indéfinie ; que l‘illusion, c‘est de prendre la partie pour le tout, c‘est-à-dire la vie du corps, qui n‘est que transitoire, pour la vie définitive. L‘homme qui ne considère les choses que du point de vue terrestre, est comme celui qui étant dans l‘intérieur d‘une maison, ne peut juger ni de la forme, ni de l‘importance du bâtiment parce qu‘il ne voit pas tout ; tandis que celui qui voit du dehors, pouvant juger de l‘ensemble, juge plus sainement. “Pour voir les choses de cette manière” dira-t-on “il faut une intelligence peu commune, un esprit philosophique qu‘on ne saurait trouver dans les masses ; d‘où il faudrait conclure qu‘à peu d‘exceptions près, l‘Humanité se traînera toujours dans le terre à terre.”

C‘est une erreur ; pour s‘identifier avec la vie future, il ne faut pas une intelligence exceptionnelle, ni de grands efforts d‘imagination, car chacun en porte avec soi l‘intuition et le désir ; puisqu‘on offre pour alternative des flammes éternelles ou une contemplation perpétuelle, ce qui fait que beaucoup trouvent le néant préférable ; d‘où l‘incrédulité absolue chez quelques-uns, et le doute chez le plus grand nombre… »

Le matérialisme triomphe et répand l'idée du néant.

Dans l'hypothèse matérialiste, nous n'avons plus après la mort, aucun moyen de comprendre une survivance quelconque de nos individualités puisque n'existant que par le fait de la réunion d'éléments matériels et de forces, elles seront à tout jamais anéanties par la mort. La plus directe et inévitable conséquence du matérialisme n'est-elle pas de rapetisser chez l'homme les sentiments et les élans du cœur en imposant à la vie les limites de la dernière heure, en dégageant l'homme de toute responsabilité morale devant une justice suprême ?…
Mais, lorsque la mort, un jour, va mettre un terme à ces luttes, l'être troublé essaie de trouver une explication qui apaisera sa peur.

Ne sachant où diriger ses pas, il la cherche dans une certaine littérature, un certain cinéma qui offrent en pâture à ses terreurs la terreur plus grande encore de textes et de films où le fantastique et l'horreur brodent sur des trames qui auraient pourtant pu être des messages, les mailles serrées d'un filet qui enferme l'être perdu plus étroitement encore dans son obscurité, car toutes les allusions aux maisons hantées, aux phénomènes télépathiques, aux matérialisations d'Esprits, à la médiumnité, ne peuvent que donner des finalités sanglantes de Mort et de Mal.

Tout homme qui réfléchit ne peut cependant pas s'empêcher de se préoccuper de ce qu'il deviendra après sa mort.

On s'attache pendant la première partie de sa vie à préparer sa retraite et on s'impose souvent, dans un travail acharne, beaucoup de privations pour s'assurer un peu de bien-être dans les dernières années de sa vie ; d'ailleurs, combien d'années seront offertes pour jouir de ce repos et de ce bien-être ?…
Si l'on a tant de soucis, si l'on prend tant de soins pour quelques années éventuelles, ne devrait-on pas faire de même pour cette vie future qui, pour certains, a plus caractère d'hypothèse que de réalité ?
Alors, que croire ?…
Et les grandes questions sont posées :
Est-ce que ce déchaînement de forces mauvaises est la traduction de l'état de l'Homme après sa mort ?…
Que sait-on de la vie future ?…
Qui peut être renseigné à ce sujet ?…
Dieu révèle-t-il ses secrets à l'Humanité ?…
Qui peut savoir ce qui se passe après l'horreur de la tombe, dans cet Au-delà mystérieux ?…
Et d'ailleurs, cet Au-delà existe-t-il ?…
Où donc va l'Homme dans sa course ?…
Au néant ?… à l'obscurité peuplée de forces inconnues, vindicatives, haineuses et violentes, ou à la lumière insoupçonnée et vivante ?… Que croire ?…
Jaurès exprimait en ces termes cette inquiétude des êtres :
« …Il y a à l‘heure actuelle comme un réveil de religiosité, on rencontre partout des âmes en peine cherchant une foi. On a besoin de croire, on est fatigué du vide du monde, du néant brutal de la science, on aspire à croire, mais à quoi ?…
Quelque chose, on ne sait, et il n‘y a presque pas une de ces âmes souffrantes qui ait le courage de chercher la vérité, d‘éprouver toutes ses conceptions de repos et d'espérance. Aussi on ne voit que des âmes vides comme des miroirs sans objet qui se réfléchissent l‘un l‘autre.
On supplée à la recherche par l‘inquiétude, cela est plus facile et plus distingué… »

Cette inquiétude dont parlait Jaurès conduit les hommes à tenter, dans le silence et le secret de leurs jours, une approche de cet Au-delà qu'ils voudraient pénétrer pour avoir de ceux qu'ils ont aimés et qui sont partis, la réponse à leurs questions, et parce qu'ils ont lu quelques livres sur le Spiritisme, parce qu'ils ont vu quelques émissions traitant du sujet, ils sont très vite désireux de tester leurs pouvoirs, leurs dispositions à la médiumnité car ils souhaitent s'apporter la preuve d'une aptitude à dialoguer. Et par le truchement d'un "oui-ja", d'un verre, de tables, demandent des communications qu'ils croient sincères et valables. Ils questionnent et espèrent une réponse ; mais qui questionnent-ils ces êtres qui, à la question posée, répondraient catégoriquement et souvent avec ironie :
“Les Esprits… je n'y crois pas. Je suis un esprit positif et je ne crois que ce que je vois…”
Qui questionnent-ils ces êtres pour qui la mort dont l'ombre plane sur toutes vies, n'est pour eux que le terme définitif d'une existence qu'on veut remplir à tout prix en se disant qu'on a bien le temps de penser à des choses aussi sinistres, et que, si vraiment Dieu existe, eh bien, il suffira de dire : “Mon Dieu je regrette !…” pour que le pardon soit accordé et les félicités offertes ?…
Qui questionnent-ils, ces êtres qui nient la survivance de l'âme et l'éternité vivante d'un Au-delà qui, malgré leurs affirmations, les angoisse et les trouble ?…

Par jeu, par curiosité, par défi, souvent par orgueil, car il est toujours grisant de se découvrir des pouvoirs, on entame le dialogue pour voir… simplement. Et l'on multiplie les expériences que l'on répète, que l'on prolonge, souvent seul, plusieurs fois par jour, en étant persuadé qu'il aura suffi de prier Dieu, une personne aimée disparue, ou encore un "Saint patron" ou son "Ange gardien" pour avoir immédiatement une réponse.
On multiplie ces expériences dans le but d'être renseigné sur ses projets, souvent sur ses amours, pour recevoir des conseils pour mener à bien une entreprise dont on attend la réussite ou d'où doit découler la richesse.
Et la table qui avait pourtant été une bouée de sauvetage pour beaucoup par la découverte de la survie de l'esprit, devient une attraction, un jeu qui, la plupart du temps, ouvrira la porte à des Esprits de bas niveau, des Esprits moqueurs ou usurpateurs qui restent agglutinés autour de la Terre pour retrouver un contact avec cette Terre regrettée, ou pour se jouer de la crédulité de ceux qui n'auront trop souvent en réponse que des mystifications dommageables.

Je voudrais leur crier :
« Arrêtez tant qu'il est temps !…
Ne tentez plus ces contacts avec ce monde invisible où le bien et le mal, la vérité et l'erreur se mêlent : vous n'oseriez pas vous aventurer seuls, inexpérimentés et sans guide, dans des gouffres profonds et sombres ou sur des sommets à pic et difficiles que pourtant vos yeux voient et que vos mains peuvent toucher, car quel alpiniste serait assez présomptueux pour croire connaître mieux qu'un guide le chemin le plus court, le plus facile, le plus sûr et le plus rapide pour parvenir au but fixé librement avant le départ ? Alors pourquoi plonger aussi témérairement et avec autant d'inconscience dans l'inconnu mystérieux et insondable ?…

Ce n'est qu'avec la conscience définitive des éléments et des faits que des communications pourraient se faire par des médiums confirmés. »

Ce besoin de communication avec un monde secret et inconnu a de tous temps existé, mais depuis le dix-neuvième siècle, une communication intime, fréquente et suivie s'est établie entre le monde des Humains et celui des Esprits.
Les morts ont parlé, soulevant le voile sur ce mystère qui n'apparaît plus sous un aspect sombre et sinistre, et par leurs communications, ont pu éclairer la destinée humaine d'une lumière nouvelle en consolant des chagrins et en apaisant des souffrances, en apportant la preuve de l'existence de l'âme. Mais dans ce monde matérialiste où l'on croit que l'être n'est que matière, peut-on croire à l'existence de l'âme, et partant, à l'existence des Esprits puisque les Esprits ne sont que les âmes des Hommes ?

Peut-on croire à "l'Esprit" ?

On pourrait pourtant le penser en évoquant les expressions couramment utilisées pour faire diversement allusion à Dieu et à son inspiration, au principe de la vie in corporelle de l'homme, à l'émanation des corps, à l'être incorporel, à la réalité pensante, au principe de la vie psychique d'un individu, et plus loin, aux aptitudes et aux facultés.
Ces expressions, je voudrais les rappeler dans une liste certainement non exhaustive :

• Esprit divin
• Saint Esprit
• Rendre l'Esprit
• Remettre son Esprit entre les mains de Dieu
• Ne pas être un pur Esprit
• Perdre l'esprit
• Simple d'esprit
• Un bel esprit
• Reprendre ses esprits
• Voir en esprit
• Transporter en esprit
• Sain de corps et d'esprit
• Avoir l'esprit ailleurs…
• Où avais-je l'esprit ?
• Dans mon esprit…
• Dons de l'esprit
• Œuvre de l'esprit
• Traverser l'esprit
• Liberté d'esprit
• Acte de l’esprit
• Avoir ou ne pas avoir l'esprit à faire…
• Conserver l'esprit libre
• Cultiver son esprit
• Calmer les esprits
• Etat d'esprit
• Disposition d'esprit
• Esprit d'initiative
• Avoir l'esprit dérangé
• Se creuser l'esprit
• Avoir bon ou mauvais esprit
• Sortir de l’esprit
• Tranquillité d'esprit…

Ces expressions sont-elles vides de sens ?
Ne sont-elles pas évocatrices, et ne devraient-elles pas nous inciter à une réflexion qui conduirait à l'acceptation d'une notion trop souvent tournée en dérision ?…
Pour accepter cette notion "d'Esprit", il convient avant toute chose d'être convaincu d'avoir une âme, il convient d'être spiritualiste, c'est-à-dire, selon la définition de l'Académie Française, croire à une doctrine opposée au matérialisme.
Le pas est grand cependant du spiritualisme au spiritisme, le spirite, lui, croyant aux Esprits et à leurs manifestations.

L'écrivain spirite Allan Kardec écrivait :

« …Tout spirite est nécessairement spiritualiste, mais il s‘en faut que tous les spiritualistes soient spirites… »