Le bateau quitte le port dans l’allégresse immense et la joie claironnante de ceux que cette promenade sous l’aile blanche d’une voile, enchante.
Il glisse, en frôlant à peine la surface de l’eau limpide.
Le port s’éloigne, les embruns se font plus vifs, le soleil darde ses rayons, les rires fusent..., le port s’éloigne...
Que n’ouvrez-vous, amis, votre radio qui vous dirait que le grain venu brutalement d’on ne sait où va arriver !

Vous filez...

On tient la barre négligemment...

La houle se lève,
le frêle esquif commence à tanguer sur les vagues devenues plus grosses, les creux se forment, le vent se lève...

Ravis, vous êtes ravis...
Vous bordez, vous tirez des bords, non contents de cela, vous envoyez le spi pour aller plus vite, plus vite encore, et, quand vous vous rendez compte de l’erreur, quand la bôme commence à craquer, quand les mâts commencent à bouger, quand les voiles claquent et fasseyent, se déchirant lamentablement, quand le vent aigre et coupant vous cingle le visage avec les paquets d’écume, les vagues grondantes, les creux hallucinants, vous réalisez soudain que le port s’est éloigné, et que seuls et perdus, dans des efforts dérisoires et inutiles, vous allez à la mort.

Ne soyez pas, amis, ces fiers voiliers aux ailes blanches qui dansent sur l’écume des vagues.
Ne soyez pas, amis, ces coques éventrées sur les récifs, ces coques blanches et belles d’où toute vie est partie...


Le temps vient toujours où les pieds doivent reposer très fort sur le sol ferme qui sécurise.
Laissez partir ces nuages auxquels vos mains désespérément s’accrochent et veulent s’attacher car ils s’effilocheront et vous chuterez...

 

Raphaël Archange
médium : marcelle olivério
extrait du livre Ephphata