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Oh
! Vous, dont le cur est trop lourd, vous que la tristesse
écrase, vous qui désespérez, acceptez
ce message d'amour pour y puiser le réconfort intense
:
Une
femme, un jour, rêvait quelle marchait sur la
plage et que Dieu laccompagnait. Ils avançaient
et elle voyait leurs pas simprimer sur le sable humide.
Dieu lui dit :
« Mon enfant, sache quà tout instant,
jai été, suis, et serai près
de toi. »
Ils avançaient et elle parlait à Dieu de sa
vie passée, de sa vie présente en égrenant
les souvenirs douloureux, pesants et tristes ou joyeux et
heureux, et elle se rendit compte tout à coup, presqueffarée,
que pendant ces périodes de joie quelle décrivait,
elle voyait quatre traces de pas enfoncés dans le
sable, alors que dans ces périodes tristes où
son cur avait été déchiré,
où elle avait souhaité la mort en demandant
à Dieu de lui épargner cette souffrance, et
où la révolte avait grondé dans son
être, elle ne voyait plus que
deux pas.
- « Comment, Seigneur, » dit-elle, « ne
mavais-tu point dit que tu serais près de moi
à tous les instants de ma vie ? »
- « Oui, enfant, » répondit Dieu, «
je te lai dit, mais tu nas point compris
Vois-tu, enfant, dans ces périodes fastes de ta vie,
jétais près de toi, tu voyais quatre
pas ;
mais sache, enfant, que dans ces instants trop lourds où
ton être ne pouvait plus que se traîner dans
la révolte et la souffrance,
je te portais
»
Archange Raphaël
Ephphata p.247
La
souffrance
Lorsque la mort frappe, il
semble que Dieu et la destinée se confondent dans
cette suprême douleur parce que Dieu, vainement imploré,
paraît rester sourd à nos prières tandis
que la destinée nous accable. Ces heures de fortes
épreuves qui nous terrassent momentanément,
devraient faire éclore nos progrès de nos
douleurs, car la loi de la réincarnation nous donne
l'explication de ces moments où l'ouragan qui passe
a tout dévasté, comme elle nous donne l'explication
de faits qui ont révolté et révoltent
encore : la souffrance d'enfants et -ou- leur mort prématurée.
Saint Augustin ne pouvait concilier la justice et l'amour
de Dieu avec les souffrances de ces enfants qu'il considérait
innocents de tout péché, souffrances qui se
prolongeaient souvent jusqu'à leur mort, et nous
voyons quotidiennement des réactions de révolte
souvent nées de l'incompréhension de ces morts
d'enfants très jeunes. C'est par la loi de la réincarnation
que nous découvrons que ces souffrances et ces morts
peuvent être une expiation de vies antérieures.
Méditons
ce passage d'Ephphata, et acceptons de comprendre
à travers ce message donné avec amour par
l'Archange Raphaël :
« Ah ! la souffrance !
J'entends quotidiennement
pleurer sur cette souffrance des êtres et des bêtes.
Pourquoi la souffrance ?
Pourquoi dis-tu :
Pourquoi Dieu accepte-t-Il que la souffrance soit
?
Ah ! amis, vous qui êtes Spirites, que ne vous appuyez-vous
sur les enseignements qui vous ont été donnés
en acceptant de temps en temps l'évidence de ces
épreuves que chacun a choisies !
Que de vies dont on n'a pas su tirer l'essence bénéfique
!
Que d'erreurs que l'on n'a pas voulu éviter !
Que de drames que l'on a volontairement provoqués
!
Dettes ! dettes que tout cela et qu'il faut, un jour hélas,
payer avec intérêt.
Des enfants meurent, et leur vie, étouffée
par le froid, s'est arrêtée dans les mains
de mères déchirées et tremblantes.*
L'épreuve est là, amis, épreuve pour
ces mères, fin d'une vie pour eux.
Souvent, amis, l'Esprit ne se réincarne que pour
un court laps de temps qui lui permettra de terminer une
vie qu'il avait tranchée de ses mains, et l'enfant
meurt.
Souvent, amis, l'Esprit se réincarne pour être
l'épreuve cinglante et déchirante d'où
l'être pourra tirer la substance de son élévation
et le rachat de ses fautes passées.
Qu'ont fait ces mères qui pleurent aujourd'hui dans
une autre vie ?
Ah ! si elles pouvaient voir le sang
qui coulait entre leurs doigts !
Triste, triste pour des curs humains qui ne voient
et qui ne comprennent que dans les limites étriquées
de l'existence terrestre !
Non, Dieu ne permet pas la souffrance au sens d'autoriser
le mal, car Dieu est bonté ;
Dieu n'accepte pas de mettre dans les curs, la haine
et la méchanceté car Dieu est bonté
et amour, mais Dieu est justice et demande à chacun
l'effort de se juger lui-même. Mais, comme l'être
humain n'acceptera jamais ce jugement de soi, il doit subir
des épreuves qu'il choisit en toute conscience d'Esprit.
Ah ! la souffrance
Un mot qui déjà broie
les curs de son étau ; la souffrance
un mot qui siffle et comme une langue de feu brûlante
s'insinue en vous.
Répétez ce mot : souffrance
,
il a déjà ce prolongement qui n'en finit pas
de se faire comme la souffrance n'en finit pas de déchirer.
Quelle est la souffrance la plus terrible ?
Est-ce la souffrance des corps torturés ou est-ce
la souffrance des âmes déchirées ?
Toute souffrance est terrible, toute souffrance abat et
terrasse, toute souffrance détruit,
mais toute souffrance élève et toute souffrance
réhabilite
»
* Ce
message a été donné après lecture
dun article de presse exposant les crimes perpétrés
dans le monde. Cet article expliquait que dans un goulag
sibérien ordre avait été donné
à des mères de laver leurs enfants à
lextérieur malgré le froid intense.
Pour les protéger elles les avaient enveloppés
de papier mais les enfants avaient succombé au froid.
La lecture de ce passage avait révolté une
partie de lassistance qui exprima son émotion
devant toutes ces souffrances et ses doutes quant à
la bonté dun DIEU qui permettait de telles
horreurs en laissant mourir de pauvres petits êtres
innocents.
La souffrance nous offre, hélas, quotidiennement
un spectacle difficile et éprouvant, et c'est vrai,
nous nous sentons trop souvent impuissants devant elle.
Nous voyons également trop souvent des mères
dénaturées, tortionnaires, martyriser leurs
enfants avec cruauté ; spectacle horrible et navrant
mais dans une autre vie, les victimes de ces cruautés
n'ont-elles pas été elles-mêmes coupables
de semblables forfaits ?
Par ailleurs, comment comprendre sans la loi de la réincarnation,
la haine et la répulsion que certaines mères
ou certains pères éprouvent pour le fruit
de leurs entrailles, le fruit de leur chair ?
Des
exemples
J'ai eu de nombreux témoignages de ces faits qui
peuvent, sur un plan humain, sembler horrifiants.
Productrice et animatrice d'émissions sur l'Au-delà
et le Spiritisme, je reçus un jour à l'antenne
l'appel d'une jeune femme, Michèle, qui m'expliqua
que, mère de trois enfants très jeunes, elle
avait une relation difficile avec sa fille aînée
alors âgée de six ans, qu'elle avait l'impression
de détester et -elle l'avouait- qu'elle battait souvent
plus qu'elle n'aurait dû le faire. Elle ne comprenait
pas ce qui la poussait à s'acharner ainsi sur Isabelle
alors qu'elle avait une tendresse immense et une patience
à toute épreuve pour les deux autres enfants
âgés respectivement de quatre et deux ans.
Tandis que la maman s'exprimait, des clichés me parvenaient
dont je lui donnais détail. Je décrivis une
fillette aux longs cheveux châtain clair, aux très
beaux yeux noisette dont le regard flou, éteint,
pouvait laisser présager un handicap mental.
Je voyais cette enfant, embarrassée dans ses gestes,
marcher difficilement ; je la visualisais se débattant
avec un vêtement qu'elle ne pouvait mettre ; puis
dans une succession rapide, d'autres scènes se surajoutaient.
Je voyais cette même enfant complètement transformée,
ayant retrouvé une totale liberté d'action,
enfiler un costume espagnol, danser et virevolter puis
retomber dans son apathie. Je la voyais prendre des couverts,
tâter les pointes de cuillers qu'elle jetait violemment
à terre, de fourchettes qu'elle mettait de côté,
de couteaux qu'elle ne conservait que s'ils étaient
pointus et tranchants. Puis, je la voyais se servir de ces
couteaux pour ouvrir le corps d'une poupée dont elle
avait auparavant cogné la tête contre un mur.
Je demandais à Michèle ce que ces images pouvaient
avoir de fondé et lui demandais également
si elle était d'origine gitane.
Un long silence embarrassé suivit mes paroles puis
la réponse se fit. Complètement bouleversée,
Michèle tint à attester la véracité
des détails que j'avais donnés sur Isabelle,
en en confirmant tous les points ; elle expliqua que la
fillette était effectivement incapable de parler,
de marcher, de s'habiller, qu'elle ne pouvait d'ailleurs
avoir une scolarité normale et qu'à six ans,
elle ne savait ni lire ni écrire. Elle précisa
qu'aucun des médecins qui avaient suivi l'enfant
n'avaient pu expliquer ses sautes d'humeur et ses imprévisibles
comportements qui restaient pour eux un mystère.
Isabelle était en effet soudainement et effectivement
capable d'aller prendre, dans son armoire, un costume d'Espagnole
que sa tante, domiciliée en Espagne, lui avait offert
et ses gestes devenaient comme par enchantement assez précis
pour s'en vêtir rapidement puis planter dans ses longs
cheveux le grand peigne qui complétait l'ensemble.
Ensuite, ainsi vêtue, elle se mettait à danser
en se contemplant dans un miroir et ce, jusqu'à ce
que, de nouveau, elle retombât dans son apathie première.
Oui, Isabelle recherche les couteaux les plus pointus
et les plus aiguisés me dit-elle et elle
a éventré plus d'une poupée dont elle
a souvent éclaté la tête en la cognant
très fort sur un mur.
Dans ces moments ajouta-t-elle, j'ai envie
de la battre et surtout envie de lui cogner à mon
tour la tête sur le mur sur lequel elle a jeté
sa poupée. Je me fais horreur, mais c'est plus fort
que moi !
Que puis-je faire ?
Oui, tout ce que vous dites est vrai, sauf un point : je
ne suis pas de souche gitane ; cependant, je dois avouer
qu'Isabelle est fascinée par les campements gitans
que nous voyons souvent installés dans la périphérie
de notre ville, comme elle est d'ailleurs fascinée
par leur musique
J'étais pourtant sûre de ce que j'avais avancé,
d'autant plus certaine, que j'avais la vision d'autres scènes
: je voyais une princesse gitane d'une grande beauté,
dansant et excitant le désir et la rivalité
de deux hommes qu'elle poussait ainsi à se battre
jusqu'à ce que mort s'en suivît. Elle veillait
pourtant à interrompre le combat pour s'offrir au
vainqueur sous les yeux du mourant qu'elle achevait ensuite
au poignard. Triomphante de ce jeu sanguinaire, elle s'éprit
un jour d'un adolescent qu'elle désira passionnément
mais qui se refusa à elle. Blessée dans son
amour propre, prise de colère, elle le tua en lui
cognant violemment le côté gauche de la tête
contre un mur.
Comme il me fallait décrire ces scènes à
Michèle et lui expliquer qu'elle avait été
cet adolescent sacrifié par celle qui, aujourd'hui,
était cette fille à laquelle elle aurait dû
donner attention et amour, je la priais donc de me recontacter.
Incrédule mais cependant intéressée
et, dois-je le dire, curieuse, elle voulut aller plus avant
dans les investigations, et à sa demande, je commençais
un travail spirituel sur la relation de ce passé
lointain au difficile pressent ; ce travail amena Isabelle
à une évolution qui lui permit de s'intégrer
dans une scolarité normale, et il commença
par ailleurs, à avoir pour conséquence l'apaisement
des éléments de violence de Michèle
qui voulait cependant des preuves qui ne tardèrent
d'ailleurs pas à lui être données.
Michèle, orpheline très jeune, avait été
élevée par sa grand-mère qu'elle visitait
régulièrement aux vacances.
Pâques arriva, et le rituel voyage à Montpellier
s'accomplit.
Une nuit, je reçus un appel de Michèle qui,
très excitée, tenait à s'excuser d'avoir
rejeté comme horrifiante la pensée d'être
de souche gitane. Elle avoua qu'elle avait été
obligée de considérer les choses plus objectivement
lorsqu'en rangeant la bibliothèque de sa grand-mère,
elle avait trouvé par hasard -mais le hasard n'est-il
pas un mot humain pour expliquer l'inexplicable ?
-
coincé derrière une étagère
et oublié depuis longtemps, un petit livre écrit
au siècle dernier par un médecin qui expliquait
que beaucoup d'enfants gitans avaient sur le corps, à
la naissance, des marques bleuâtres qui pouvaient
disparaître à la croissance. Isabelle était
née avec une marque ronde et bleuâtre sur la
région lombaire et son frère avait, en naissant,
une trace similaire sur l'aine et la cuisse.
Troublée, Michèle avait questionné
sa grand-mère et son arrière grand-oncle sur
ses origines -origines dont elle ne s'était jamais
inquiétée jusque-là- et il lui avait
été révélé que ses aïeux
étaient des gitans qui, installés d'abord
aux Saintes-Maries-de-la-Mer, s'étaient définitivement
établis à Montpellier.
Elle était impatiente de me donner plus de détails
et souhaitait tenter à son retour une expérience
dont pourrait dépendre le suivi des choses.
Ce qui fut fait.
A son retour, nous tentâmes donc cette expérience.
Isabelle qui m'était très attachée
vint un jour m'embrasser et se blottir contre moi pour un
câlin. Je lui rendis bien sûr son baiser et
lui demandais d'embrasser également sa maman.
Nous avions convenu au préalable que celle-ci présenterait
au baiser de sa fille, le côté gauche de son
crâne. Isabelle hésita un moment avant de s'approcher
de sa mère, puis elle se hissa sur la pointe des
pieds pour poser ses lèvres sur le visage de Michèle
qui se détourna rapidement, présentant ex
abrupto à l'enfant le côté gauche de
sa tête.
Réaction immédiate d'Isabelle dont les yeux
exprimèrent l'horreur puis une violente colère
et le geste suivit : elle saisit le visage de sa maman et,
le tournant avec force, posa un baiser sur sa joue droite
puis se recula, tremblante de rage contenue.
L'expérience renouvelée plusieurs fois eut
des résultats identiques jusqu'au moment où
un travail spirituel adéquat s'étant poursuivi,
Isabelle finit par embrasser normalement sa mère
et Michèle accepta de comprendre que seuls ces liens
karmiques difficiles étaient la cause de cette haine
éprouvée, de cette antinomie destructrice.
De la compréhension née de l'analyse, de la
réflexion et de l'acceptation allait s'engager en
elle ce combat intérieur pour repousser, après
avoir nettoyé ce plan, ces souvenirs d'un passé
trop lourd parce que trop douloureux.
Michèle put enfin accepter de regarder sa fille avec
les yeux de l'amour, et elle accepta ce faisant, de redonner
sa réelle place à cette enfant qu'elle pouvait
alors appeler "ma fille" non avec des mots froids
et vides de sens, mais avec la tendresse vibrante d'un amour
enfin affirmé
Isabelle est aujourd'hui une belle jeune fille, un peu limitée
pourtant, car le karma -qui n'est pas d'une rigidité
absolue- place néanmoins des barrières que
l'on peut déplacer mais que l'on ne peut retirer,
et elle est intégrée dans une vie normale
tant sur un plan familial que social. Par son évolution,
elle a prouvé que les lumières voilées
d'un passé lointain peuvent devenir les projecteurs
qui éclairent les scènes d'un présent
retrouvé et éclaireront les scènes
de devenirs sereins et heureux.
Il est un air pour qui je donnerais
Tout Rossini, tout Mozart et tout Weber,
Un air très vieux, languissant et funèbre
Qui pour moi seul a des charmes secrets.
Gérard de Nerval
J'ai connu Christine lorsqu'elle
venait d'avoir seize ans. Enfermée dans un autisme
qui ajoutait son drame à celui d'un corps difforme,
à un strabisme prononcé, à une démarche
difficile car ses jambes étaient torses, elle n'avait
que très peu de contacts avec les autres car isolée
dans son monde. Si elle marchait difficilement, elle se
comportait de même, car elle était coléreuse
et têtue.
Elle ne s'exprimait que par cris ou onomatopées,
ne con naissant que deux mots : "attends" et "ya"
qu'elle prononçait d'une voix gutturale accompagnant
ce "ya" d'un geste d'acquiescement de la tête.
Elle ne se laissait approcher par personne et opposait la
fuite à tout contact.
Avant de connaître Christine j'avais souvent pu remarquer
que même dans les cas extrêmes d'handicap profond,
l'individu conserve une sensibilité qu'il peut vivre
silencieusement et douloureusement ou exprimer de différentes
façons ; Christine ne réagissait-elle pas
-corroborant ce faisant ce constat- à l'attitude
moins que charitable de ceux qui, en la croisant, se permettaient
de se moquer et de s'esclaffer, en la suivant du regard
et en clamant sans vergogne que le zoo avait ouvert
les cages de ses singes !
Lors de notre premier contact -je ne possédais à
ce moment-là que les quelques détails que
sa mère avait bien voulu me donner sur son comportement-
Christine me regarda puis, poussant de grands cris, se jeta
à terre ; c'est ainsi que j'appris, la première
émotion passée, que cette réaction
traduisait une grande joie et une acceptation de mon contact.
Effectivement, dans les instants qui suivirent, Christine
prit ma main sur laquelle elle appuya sa joue en "chantonnant"
(est-ce le terme adéquat ?) trois notes : La,
la, la !
La maman expliqua que cette chanson embryonnaire revenait
sans cesse comme un leitmotiv et qu'elle était arrivée
à la conclusion que ces notes pouvaient représenter
les premières mesures d'une chanson du folklore auvergnat
qu'elle avait l'habitude de lui jouer au piano. Je possédais
un orgue, et elle voulut immédiatement démontrer
sa version des faits en prenant Christine à témoin.
Mais la fillette s'énerva, arrachant du clavier les
mains de sa mère, et chose extraordinaire et surprenante
pour une enfant aussi embarrassée dans ses gestes,
se mit à jouer avec rapidité et
virtuosité
une mélodie harmonieuse. Elle le faisait en me regardant
et en chantonnant son "La, la, la
" avec
d'autant plus d'insistance et d'impatience que nous ne comprenions
pas. Comme elle commençait à devenir un peu
violente, je tentai de la calmer en imposant mes mains sur
sa tête et en lui parlant. Ce faisant, j'entendis
la voix de mon Guide expliquant que ces notes fredonnées
par Christine étaient les premières mesures
d'un passage très particulier d'une uvre de
Franz Lehar "la Veuve Joyeuse". Il précisa
que je devais interpréter cette valse, cette "Heure
exquise" qui était, je dois l'avouer, le seul
thème que je connaissais de cette opérette,
et poussée par une force incontrôlable, je
le jouais à l'orgue en le fredonnant. L'effet fut
immédiat et stupéfiant : Christine, complètement
calmée, tête inclinée sur l'épaule,
souriait doucement, ravie ; mains croisées sur le
cur, elle écoutait attentivement et des larmes
commencèrent à couler de ses yeux, roulant
sur ce visage qui, tout d'un coup empreint de douceur, s'était
illuminé d'une joie extraordinaire qui la rendait
presque belle. Saisie, je cessai de jouer. Christine réagit
de nouveau : La, la, la !
Impérativement,
elle demandait et attendait, impatiente, que résonnassent
de nouveau ces notes qui l'enchantaient.
Tout allait trop lentement à son gré ; elle
prit mes mains d'un geste ferme, les posa sur le clavier
en redisant son "la, la, la" d'un ton autoritaire.
Je m'exécutai, et nous eûmes la surprise de
voir Christine relever la tête, regard perdu dans
le vague, et pianoter de ses deux mains sur son front en
poussant des soupirs entremêlés de gémissements,
réaction qui nous semblait être la traduction
d'une impossibilité à se souvenir !
Au cours de ce premier contact, je fus tout à coup
transportée "en voyance" au siècle
dernier et je ressentis très précisément
l'atmosphère d'un jour d'hiver, glacial et brumeux
d'une ville enneigée que je contemplais à
travers les vitres d'une fenêtre à petits carreaux.
Dans la pièce où je me trouvais, un homme
couvrait fiévreusement de notes des feuilles de papier
qu'il lui arrivait de froisser, pensif, et de jeter à
terre ; dans le même temps, je perçus des bribes
de phrases musicales, de mélodies.
Des clichés se succédaient ; je le vis monter
dans un fiacre qui s'éloignait ; je le vis entrer
dans des boutiques, présenter une partition qui semblait
être refusée.
Je ressentais le découragement de cet homme, découragement
né du sentiment d'échec de ses tentatives
infructueuses et désespérantes
Je vis la façade dun grand bâtiment que
je pensais être celle d'un théâtre ou
d'un opéra, et de nouveau revenaient ces mêmes
scènes de refus d'une partition qui lui tenait à
cur. Refus ou réticence ?
Il me semblait que l'uvre était déconsidérée
car inhabituelle, et suscitait méfiance et réserves
J'entendis des bribes de conversations dans une langue étrangère
inconnue de moi -de l'allemand peut-être- puis, curieusement,
en surimpression, le nom de Paris et associé à
ce nom, la vision de l'homme triomphant, acclamé,
de l'homme qui, ayant accompli ses espoirs voyait sa musique
enfin acceptée et reconnue, la musique de sa
"Veuve Joyeuse".
En alternance de ces scènes, je revis la pièce
où travaillait le musicien ; dans cette pièce,
une jeune femme, très belle, brodait au tambourin,
impassible, seulement attentive aux points de sa broderie,
indifférente à l'homme, indifférente
aussi au bébé très légèrement
vêtu qui reposait dans un berceau près de la
fenêtre ouverte. Je remarquai que par le froid pourtant
glacial, le bébé n'était pas recouvert
d'une couverture, et en un fondu enchaîné rapide,
je vis une servante supplier cette femme hautaine de l'autoriser
à fermer la fenêtre, ce qui lui fut refusé,
puis je la vis présenter en pleurant le corps du
bébé qui venait de mourir, à la belle
indifférente, qui ne lui jeta qu'un regard rapide
et froid et se remit à broder.
Que signifiait tout ceci ? J'espérais qu'un contact
répété et plus étroit avec la
fillette apporterait confirmation de ces "voyances".
Ces occasions me furent données car la maman qui
souhaitait trouver une solution à son problème
et qui semblait vouloir l'évolution de l'enfant,
me l'amena souvent, me la confiant même lorsqu'elle
partait en voyage, ce qui ravissait Christine qui me témoignait
une immense affection ; affection réciproque car
ma relation avec elle était devenue importante et
je dois avouer qu'au sentiment de pitié des premiers
instants avait succédé une tendresse infinie
pour cette enfant un peu rejetée et particulièrement
attachante.
Ces séjours répétés me permirent
d'aider spirituellement, davantage encore, la fillette dont
le comportement contradictoire surprenait sans cesse ceux
qui l'approchaient : en effet, elle ne savait pas se moucher,
mangeait salement, bavait et s'essuyait le nez ou les lèvres
sur son avant-bras car elle refusait de se servir d'un mouchoir
ou d'une serviette ; pourtant, on la découvrait tout
autre dans ces moments imprévisibles où elle
voulait, pouvait et savait tout à coup se servir,
sans erreur, d'un couteau, d'une fourchette et où
elle s'essuyait délicatement la bouche en tamponnant
simplement ses lèvres avec la serviette qu'elle avait
réclamée à grands cris ; elle qui,
passant outre aux observations, passait son temps, jupes
relevées, inconsciente de l'incorrection de ces attitudes,
retrouvait parfois le geste de pudeur qui la poussait à
tirer sa robe et tentait de cacher ses genoux pour tenter
de couvrir ses chevilles. Dans ces moments où, selon
le mot de sa mère, elle se comportait en "femme
du monde", elle souriait et s'exprimait posément
dans ce langage bizarre et incompréhensible qui était
le sien, langage fait de sons dans lesquels certaines personnes
retrouvaient des mots à consonance germanique, des
mots allemands déformés, semblant interroger
et réagissant à bon escient d'ailleurs aux
paroles adressées par un signe de négation
ou un signe d'acquiescement de la tête, signes d'acquiescement
qu'elle accompagnait de ce "Ya" guttural auquel
nous étions maintenant habitués.
Où trouver une explication à cette dualité
surprenante et troublante ? Certes pas dans l'éducation
reçue car Christine qui était plus imprégnée
des instincts et des caractères physiques de l'animalité,
n'était chez elle jamais reprise, jamais corrigée,
jamais rattrapée, et la maman, dépassée
par les événements, reconnaissait ne jamais
avoir essayé de lui inculquer quoi que ce fût
comme elle avouait avoir isolé Christine à
l'autre bout de leur grand appartement. Seule explication
possible : la réincarnation qui avait imprime dans
la mémoire profonde de l'enfant ces souvenirs de
gestes passés que la mémoire du temps découvrait
et recouvrait comme la marée recouvre et découvre
les rochers. Forte de ce constat, je tendis mes efforts
à ouvrir plus largement les portes fermées
sur ce passé lointain pour faire progresser Christine
et lui permettre de vivre plus humainement. A la grande
joie de sa maman, l'enfant évoluait, reconnaissant
des objets, des images, prononçant des mots nouveaux.
Au fil du temps, nous découvrîmes une Christine
attentive, souriante, capable de quelques initiatives, capable
d'adoucir sa colère, sa violence
Elle devint coquette, ne réagissant plus violemment
comme elle le faisait aux soins de sa toilette, choisissant
même son eau de toilette.
Elle avait de très beaux cheveux bruns, frisés,
et elle manifestait sa joie lorsque je la coiffais. Elle
était ravie de porter les vêtements nouveaux
que je lui offrais et avait l'habitude d'ouvrir les fenêtres
pour contempler son reflet dans les vitres.
Christine avait une informe poupée de chiffon au
torse troué, amputée d'un bras et complètement
chauve, à laquelle elle tenait beaucoup et dont elle
ne s'était jamais séparée depuis son
jeune âge. Cette poupée était si pitoyable
que, croyant bien faire, je lui en offris une autre. Lorsque
je la lui donnai, elle l'a prit, la regarda, sourit, puis
la posa dans mes bras et sans un mot alla chercher son "bébé".
Elle ne devait d'ailleurs plus jamais toucher à cette
nouvelle poupée, mais par contre donna plus de soins
encore à la sienne. Elle la couchait avec une tendresse
infinie, la couvrait et elle n'était jamais aussi
heureuse que les jours de repassage qui lui permettaient
de trier et de choisir dans les linges et vêtements
repassés les tissus les plus tièdes, les plus
doux, les plus satinés qu'elle arrangeait avec précaution
sur sa poupée quelle que fût la température
extérieure.
Elle réagissait avec colère lorsque j'ouvrais
la fenêtre de sa chambre et la refermait violemment
puis, allait immédiatement s'assurer que son "enfant"
n'avait pas eu à souffrir du froid. La poupée
était l'objet de ses attentions permanentes. Je dus
un jour, partir en déplacement pour un long voyage.
J'avais préparé sur la banquette arrière
de la voiture une couche pour Christine pensant qu'elle
pourrait dormir pendant ces longues heures de nuit. Mais
il n'en fut rien : elle resta éveillée toute
la nuit pour veiller sur sa poupée qu'elle avait
installée, tête sur le coussin, drap et plaid
soigneusement bordés, réagissant avec fureur
pour me faire refermer la vitre que j'avais ouverte pour
aérer la voiture. Quel étrange comportement
!
Sa mère, questionnée, fut embarrassée
et ne put donner d'explications car Christine -dont elle
constatait les progrès constants- n'avait jamais
agi ainsi.
Que signifiait tout ceci ?
Je retrouvais dans l'attitude de Christine ces gestes que
le karma amène à avoir : un bébé
mort par le froid au début du vingtième siècle
et maintenant une petite "maman" attentive et
acharnée à couvrir et à couvrir encore,
à protéger du froid, du moindre courant d'air
une poupée de chiffon, et avec des gestes d'une tendresse
et d'une douceur infinies ! Et ce, toujours en fond à
travers le temps, cette mélodie lancinante. Les personnages
de ce passé et du présent semblaient liés
étroitement. Aidée par des amis, nous tentâmes
de retrouver des éléments sur la vie de Franz
Lehar puisqu'il ne pouvait à mon sens s'agir que
de lui. Difficile de retrouver des éléments
de sa vie privée, mais confirmation me fut donnée
des difficultés que Lehar avait rencontrées
pour faire accepter cette musique composée pour un
livret d'opérette en français. Je décidais
de faire entendre l'opérette à Christine mais
il nous fut impossible d'en trouver le disque. Nous ne trouvâmes
qu'un pot-pourri de valses parmi lesquelles figurait une
interprétation de cette "Heure Exquise".
Première expérience : Christine ravie, écoutait,
simplement attentive, mais fait troublant, réagit
avec les mêmes gestes que je lui avais vu faire lors
de notre première rencontre, quelques fractions de
secondes avant les premières mesures de la célèbre
valse. Cette première expérience assez probante
-car comment avait-elle pu reconnaître ces notes tant
aimées- nous incita à aller plus loin dans
la démarche puisque j'avais entre temps pu trouver
une version allemande intégrale de l'opérette
interprétée par l'orchestre philharmonique
de Berlin sous la direction d'Herbert von Karajan.
Christine, à genoux, assise sur ses talons, écoutait
toujours aussi ravie, se balançant d'avant en arrière,
tête levée, regard rempli de douceur, transfigurée
Elle écoutait, attentive, et tout d'un coup, applaudissait
ou éclatait de rire.
Et nous dûmes, troublés, nous rendre à
l'évidence : Christine applaudissait quelques fractions
de secondes avant que ne crépitassent les applaudissements
de la salle ; elle riait de même avant que ne fusassent
les rires, ceci en un parcours sans faute, sans décalage,
immuablement. Nous entendions, comme Christine, cette opérette
dans son entier pour la première fois et je dois
avouer que, sensibles à la musique, il nous était
impossible, ne connaissant pas le livret et ne parlant pas
l'allemand, de suivre les péripéties de l'opérette.
Nous attendions avec impatience et avec une curiosité
anxieuse le moment imprévisible pour nous, où
retentiraient les premières notes de la célèbre
valse.
Comment Christine allait-elle réagir ? Allait-elle
le faire par anticipation comme pour l'enthousiasme et les
rires ?
L'opérette, ponctuée par les
rires et les applaudissements de Christine, déroulait
ses mélodies et ses dialogues lorsque tout à
coup nous la vîmes se pencher, laisser courir ses
doigts sur le sol comme sur un clavier, puis rejeter la
tête en arrière en pianotant sur son front,
et ce, avec la virtuosité et le même cri déchirant
qu'elle avait eu en entendant la valse à notre premier
contact.
Dans le même temps, les premières mesures "d'Heures
Exquises" se firent entendre.
Coïncidence ?
Hasard ?
Cela ne pouvait
être.
N'était-ce pas plus sûrement l'écho
d'un passé lointain qui faisait résurgence
par bribes lorsque la mélodie immortelle, allait
déchirer le voile ?
J'ai suivi Christine pendant quelques années ; elle
avait acquis une nouvelle sérénité
et retrouvé une autre "personnalité"
et bien qu'encore enfermée dans l'isolement inéluctable
d'un lourd karma, elle avait franchi les étapes d'un
devenir qui devait la conduire à ce plafond d'évolution
qu'elle avait, en tant qu'Esprit, placé avant de
se réincarner, en fond de son chemin terrestre.
Le temps a passé
la vie semble décider
trop souvent des chemins des êtres : je n'ai pas revu
Christine qui -je l'ai pourtant appris- a continué
à rêver avec émotion, aux accords de
sa valse. Puisse-t-elle, en retrouvant son passé
lointain, avoir compris et terminer triomphante et sereine,
son transit terrestre
Tu
refermeras tes fenêtres ouvertes sur la nuit des ombres,
et tu chercheras la lumière afin que jamais ne sombre
ce frêle esquif qui est le tien
Archange Raphaël
Toutes
les fleurs de l'avenir sont dans les semences d'aujourd'hui
Proverbe chinois
Alors
que j'abordais un soir à l'antenne le thème
troublant du "karma" avec, bien sûr, l'habituelle
participation des auditeurs en direct, une jeune femme me
posa la question suivante :
Le
karma est-il rigide et immuable, ou Dieu permet-Il aux êtres
de reconsidérer leur destin quand ils sont sur Terre,
même si, je crois l'avoir compris, ils ont eux-mêmes
choisi ce destin dans l'Au-delà, avant de revenir
sur Terre ?
Elle précisa qu'elle souhaitait le savoir car son
frère, Marc, était handicapé physique
profond et elle était très malheureuse de
cette situation. Un médium lui ayant dit sans autre
explication que c'était un problème karmique,
elle souhaitait savoir si Marc pouvait rattraper tout ou
partie de ce karma pour ne pas finir sa vie d'une manière
aussi tragique. Ayant entendu parler de l'aide que je pouvais
apporter, elle me suppliait d'aider ce frère qu'elle
aimait tant à dépasser les difficultés
de ses jours.
Tandis qu'elle s'exprimait, des images, des flashes rapides
s'imposaient à moi, images d'un autre temps, d'une
autre époque : deux cavaliers semblaient s'affronter
; l'un d'eux, homme d'une quarantaine d'années, puissant,
violent, aux cheveux noirs, portant une moustache épaisse,
joues barrées de pattes, battait le cheval d'un adolescent
terrifié ; la bête se cabrait sous la douleur,
désarçonnant le garçon qui fut jeté
à terre où il resta étendu, immobile.
Etait-il mort ou très gravement blessé ? Je
ne pouvais voir que ce corps étendu mais j'entendis
la voix de mon Guide m'incitant à avoir un entretien
hors antenne avec cette auditrice car il me fallait tenter
de retrouver dans le présent des faits qui auraient
pu corroborer mes clichés. Je lui décrivis
son frère en transposant sur lui les détails
observés dans cette scène passée, et
lui demandai si son frère portait moustache et s'il
aimait les chevaux. Elle répondit catégoriquement
par la négative à ma première question
mais en avouant cependant qu'elle reconnaissait bien son
frère dans la description que j'en faisais. Elle
fut par contre très ironique en répondant
à ma deuxième question pour me rappeler d'un
ton péremptoire que son frère était
handicapé. Vous devez confondre me dit-elle
il ne s'agit pas de chevaux mais d'une ânesse
qui a été offerte à Marc lorsqu'il
était enfant.
Elle proposa de m'adresser une photo de Marc, photo que
je reçus quarante-huit heures plus tard et qui représentait
-je n'eus aucune surprise ! - un garçon handicapé
aux cheveux bruns, moustachu et joues barrées de
pattes épaisses. Cette photo était accompagnée
d'un mot d'excuses expliquant qu'elle avait été
prise un an plus tôt, au cours de vacances que Marc
avait passées en Bretagne, et qu'à cette époque,
il avait tenu -cela avait alors été considèré
comme une lubie- à garder moustaches et pattes qu'il
devait d'ailleurs faire raser par la suite. La jeune femme
concluait sa lettre en disant qu'elle avait effectivement,
lors de notre entretien, farouchement nié ces faits
car trop bouleversée par la précision de ce
que j'avançais.
Je pus constater que Marc ressemblait en effet beaucoup,
c'était vrai, à mon personnage passé,
mais cette étrange similitude de traits n'était
pas pour me surprendre car j'étais trop habituée
à la véracité de mes messages ; et
c'est sûre de mes conclusions, sûre que Marc
avait été dans une autre vie ce personnage
odieux, que je décidai de lui apporter pour notre
première rencontre le portrait d'un cheval, celui
d'un des cracks de l'époque.
Marc était paraplégique et, peu capable d'articuler,
de s'exprimer, il était assez isolé de sa
famille car, représentant une trop lourde charge,
il avait été placé dans un foyer pour
handicapés où je le rencontrais enfin. J'avais
bien sûr apporté mon tableau, prête s'il
le fallait à reconnaître mon erreur d'interprétation.
En entrant dans son studio, je constatais que les murs étaient
tapissés de posters de chevaux, et sa sur,
très gênée, expliqua -elle ne pouvait
plus le nier- qu'en fait Marc était tellement passionné
qu'il avait même tenu à visiter le Salon du
cheval qui venait de se tenir à Paris.
Très gênée, elle reconnut avoir menti,
et tandis que Marc essayait de tenir de ses pauvres doigts
tordus ce tableau qui semblait le combler de joie, elle
crut bon d'expliquer, comme pour se justifier, que Jacqueline
l'ânesse, avait été offerte à
Marc par le propriétaire d'un haras de la région
car le père de Marc lui avait permis de récupérer
une pouliche qui s'était échappée et
avait pouliné dans un de ses champs. Marc aurait
voulu garder ce poulain auquel il s'était tout de
suite attaché, mais hélas ! Jacqueline le
remplaça !
Elle expliquait, et Marc qui était
très vite intervenu, réagissait en soufflant
et en se passant la main en travers du front, comme pour
dire qu'il ne s'était jamais consolé de ne
pas avoir eu le poulain, et il sembla apporter au tableau
offert une attention plus grande encore.
Un contact de sympathie venait de s'établir avec
cet être un peu sauvage, mais, ô combien sensible.
Cette amitié naissante me permit de commencer un
travail spirituel qui amena Marc à retrouver plus
de calme.
Il commença à pouvoir saisir des objets, à
porter bien que maladroitement, une timbale à ses
lèvres ; il disciplina ses mouvements et bien que
ne comprenant pas cette évolution rapide, les responsables
du foyer commencèrent à envisager de lui donner
un fauteuil électrique que ses gestes saccadés
et nerveux ne lui avaient, jusque-là, jamais permis
d'avoir.
Au cours de ces séances de travail, je fis la remarque
que Marc devait être en antinomie avec un membre de
la famille qui, à mon sens, avait été
un des protagonistes du drame passé.
« Non, il est au mieux avec nous !
» me
répondait-on invariablement, jusqu'au jour où,
à force d'insistance -car il fallait dénouer
ce nud karmique- je reçus un appel téléphonique
de la maman qui voulait me rencontrer pour une mise au point.
L'entretien que nous eûmes vint apporter l'éclairage
que j'attendais depuis tant de temps.
Vous aviez raison me dit-elle, mais comment
pouvions-nous avouer et reconnaître que depuis la
naissance de Marc, mon père a détesté
cet enfant et a été souvent violent avec lui.
Nous avons pensé qu'il vivait mal l'handicap du petit,
mais des faits étranges se sont produits dont nous
n'avons bien sûr jamais fait état. Plus Marc
manifestait d'attachement à nos chevaux -car mon
mari possède plusieurs chevaux de course- plus mon
père devenait violent, montrant la haine qu'il en
avait, et il lui est arrivé de fouetter si violemment
et sans raison quelques unes de nos bêtes que nous
avons dû lui faire suivre une thérapie qui
n'a d'ailleurs donné aucun résultat ; plus
Marc, qui était très attaché à
son grand père, manifestait de la tendresse à
son égard, plus mon père le repoussait.
J'ai beaucoup réfléchi depuis que ma fille
m'a rapporté vos premières explications, et
moi qui ne voulais rien admettre, je dois conclure : Marc
a-t-il été ce cavalier violent qui a semé
le drame et mon père ne serait-il pas l'enfant qui
l'a vécu ?
Mais oui, la boucle était bouclée
Nous n'avons pas pu, hélas, amener le vieillard à
la compréhension des faits, et même si nous
avons réussi à calmer ses gestes de violence
envers de pauvres bêtes, je n'ai pu lui faire comprendre
que cette rancune venue du fond des temps devait cesser
de prendre pour cible ce petit-fils qui semblait, par une
attitude de tendresse constante, apporter la preuve des
regrets et des remords de sa conduite passée.
Les choses ont continué ainsi. Marc a, par son comportement,
dépassé positivement l'épreuve, car
emmuré sans révolte dans son handicap, il
a assumé le rattrapage de ses gestes destructeurs
d'une autre époque
Je ne vois plus Marc depuis longtemps mais je ne l'ai pas
oublié et j'ai quelquefois de ses nouvelles. Il a
fait, bien que toujours emmuré dans son handicap,
de grands progrès qui enchantent sa famille, et il
est, m'a-t-on dit, toujours aussi attiré par les
chevaux
Je pense à lui, et j'espère qu'au terme de
son chemin terrestre, il pourra, retrouvant des gestes passés,
prendre en mains et tenir fermement les rênes d'une
monture fougueuse qui le mènera enfin vers d'autres
lumières.
Les événements et
faits décrits dans ce livre sont rigoureusement
exacts ; mais, pour des raisons évidentes,
les noms de certains lieux et de certaines personnes
ont été changés. Dans ce cas,
toute ressemblance avec des noms réels ne serait
donc que fortuite
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la
souffrance
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